Dans le café de la jeunesse perdue, Patrick Modiano
Dans le café de la jeunesse perdue, 176 pages, 6,60 €
Ecrivain(s): Patrick Modiano Edition: Folio (Gallimard)
Les cafés de la jeunesse perdue, ces lieux de transit. Ces lieux où l’on tente d’égarer ses doutes et ses incertitudes. On y est bruyant et fantasque pour mieux couvrir les pensées anxieuses qui nous rongent. On se gonfle d’égo, on mime l’âge adulte alors que l’on n’est qu’adulescent, peut-être le restera-t-on toujours. On prend des postures intelligentes, on se tient le menton, on lève les yeux au plafond, on regarde dans le vide… On est persuadé que l’on a un talent unique à dévoiler au monde, que l’on finira peintre, écrivain ou intellectuel.
On croit tous en l’éternité du café. C’est le rituel quotidien qui rythme nos journées. On y entre aux mêmes heures, on s’installe aux mêmes tables. Le café est départagé en territoires bien distincts que l’on apprend à respecter. On y fait des connaissances que l’on croit tout aussi éternelles. On croit connaître ces personnes sur le bout des doigts, mais tout comme nous, elles se tissent des identités factices, fantasmées, projetées dans un avenir incertain.
Au centre de ce récit est Louki. Louki s’installe à la table du fond, parle peu. Elle pose devant elle un livre qu’elle n’ouvre jamais : Horizons perdus. Petit à petit, elle dépasse les limites de son territoire. Elle se joint aux tables voisines, au milieu des habitués les plus bruyants, mais elle garde sa part de mystère. Louki, c’est la femme sans attaches, qui doit toujours fuir pour se retrouver. Elle rêve d’apesanteur, d’embrasser le néant qu’elle pressent dans son être.
Patrick Modiano nous conte sa chute. Contée par elle et par ceux qui l’ont côtoyée, sans jamais vraiment la percer à jour. Le fin sens de l’observation, le souci du détail et la sensibilité sans bornes de Modiano donnent au roman toute sa texture. Un roman aux multiples couches qui vous happe en douceur.
Fedwa Bouzit
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