Dans l’herbe, Victor Malzac (par Philippe Leuckx)
Dans l’herbe, Victor Malzac, décembre 2021, 64 pages, 16 €
Edition: Cheyne Editeur
Ce second livre de Victor Malzac vient de recevoir le Prix de la Vocation 2021.
En quatre longs poèmes, le livre déploie une quête, une soif, une volonté de comprendre son corps, son âme, ses proches. On est dans le cœur-corps d’un jeune homme qui n’en finit plus de découvrir ses plaies, ses désirs, ses envies « dans un parc », « dans l’herbe ».
Il a des compagnons de fortune (ou d’infortune), des parents, il n’a pas d’âge, il multiplie les saccades de langage, il s’interrompt, il gère sa fatigue, ses pulsions, il ne gère rien du tout et sa langue beugue, beugle, gémit, ardente, improvisée, syncopée en diable.
C’est la langue juvénile et si mature d’un jeune poète flamboyant, qui flambe sa jeunesse à coups de vers nouveaux.
Cette langue de vrai poète – jaculatoire et forte – mime tous les assauts d’un cœur-corps qui se découvre, qui a la faim de tout, qui mange et veut manger, et veut « boire la mousse de mon nombril ».
Les images sont crues, nues, vraies, pleines de pulsions irréfragables.
C’est très fort, abrupt et dense. On se prend des gifles en le lisant, ce beau recueil tordu d’un jeune hyperdoué, à la tête de bohémien, si calme en vrai, beau comme un dieu des lettres.
Cet homme qui s’exprime, avec le pas lourd « dans une ville qui ne veut pas de nous » peut être le sans-abri de tous les naufrages. Peut être l’émigré rejeté. Le vagabond qui a besoin d’un parc pour « les soirs de fatigue ».
On est proche d’eux car la langue, hésitante et forte, nue et instinctive, nous laisse place dans cette fiction sensible.
« on veut manger tout,
tout le monde nos frères nos copines des inconnus »
Malzac, en empathie, emprunte les ronciers de la vie fourvoyée, la ville difficile des autres : « j’ai mangé les tracas/ de mes amis, les bouts, les boulimies. je bois ».
La force de ce livre déjeté, rompu à l’exercice difficile de se décrire sans se citer, d’affronter le monde avec ses reliefs parfois dégoûtants, est de nous faire voir/sentir/humer ces zones de vie « des fous des forcenés ». Le poète use des images les plus neuves, des figures les plus audacieuses (zeugme, entre autres) pour nous insérer dans cet univers de joie et de noirceur, de plaisir et de déconvenue :
« nous arrachons
des mottes d’herbe, nous souillons
nos mains avec, nos cheveux gras, nos mères
et la membrane de notre pauvre cœur » (p.21)
Un très grand livre. On est d’autant plus heureux que l’auteur confirme dans ce second livre les grandes promesses du premier. Ici se lit la poésie d’un grand, qui n’a que vingt-quatre printemps.
Philippe Leuckx
Victor Malzac, né en 1997, est un écrivain français. Deux livres, deux prix : Respire (Prix de la Crypte 2020), et Dans l’herbe (Prix de la Vocation 2021). Etudiant en lettres.
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