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D’étranges nuits d’été, Véronique Delamarre Bellégo (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon 04.04.25 dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman

D’étranges nuits d’été, Véronique Delamarre Bellégo, Oskar Éditeur, 2014, 80 pages, 9,95 €

D’étranges nuits d’été, Véronique Delamarre Bellégo (par François Baillon)

 

Adopter l’état d’esprit d’un narrateur très jeune (onze ans dans le livre qui nous intéresse) n’a rien d’une évidence en termes littéraires. Cependant, la justesse qui émane de ce court roman, à travers la voix et le ton de Matthieu, n’est pas son unique qualité. Comment ne pas penser, à certains moments, aux livres de ce talentueux écrivain qu’est Michel Cosem, dont une large partie de la bibliographie est tournée vers la jeunesse ? Des romans tels que L’Enfant et la légende ou Émilie et la Dordogne contiennent ce souffle propre au jeune héros, ou à la jeune héroïne, qui va à la fois au-devant de lui-même et de l’inconnu, où le ressenti de sa chair n’est plus vraiment le même à la fin du voyage, où l’ambiguïté permanente entre réel et imaginaire, si caractéristique de cet âge, est savamment ménagée pour faire de l’aventure entière un poème.

Tels sont les éléments contenus dans ces Étranges nuits d’été, au titre déjà poétique et énigmatique – à travers l’illustration de couverture, l’art de Julia Wauters a su délicieusement exprimer l’envoûtement et la délicatesse de ces nuits.

Matthieu déplore, en ce milieu d’été, le déménagement prévu en région parisienne. Le « cafard » est alors son compagnon fidèle. Or voici que le turbulent petit frère a un accident : contraint de l’emmener à l’hôpital, le père finit par demander à son fils aîné s’il veut dormir avec eux là-bas. Mais Matthieu préfère rester seul. C’est dans cette liberté offerte que le jeune héros aura droit d’assister à une apparition, dans le jardin de la maison d’en face : la nuit est complètement tombée, la lune est d’un rouge incandescent, mais la présence de la jeune Isadora pourrait être moins éthérée qu’il n’y paraît.

Véronique Delamarre Bellégo adopte ce qu’on pourrait appeler un « suspense magique » : réunissant des circonstances qui, au fil de la progression du texte, peuvent sembler extraordinaires autant que concrètement admissibles, la romancière raconte, le temps de quelques nuits, un moment décisif de la vie de Matthieu. Cependant, sa subtilité nous place, jusqu’à la toute fin, dans un doute quant à l’aspect fantastique de l’aventure, ou quant à l’exaltation poétique qu’elle fait de la réalité – en ce sens, la confusion de certaines perceptions fait que l’humour n’est jamais bien loin.

L’émotion de Matthieu, en tous les cas, est bien réelle. L’événement lui aura permis, on peut le supposer, de conserver sa vie durant un regard particulier sur la naissance d’émotions déterminantes et sur ce qui fait le sel et la poésie de l’existence. Pourtant, le mystère persiste pour le héros, dans le présent de ses onze ans, tandis qu’il reste dans une attente aussi savoureuse qu’angoissante. Ce mystère est-il vraiment à déplorer ? N’est-il pas le reflet d’une vérité à chercher ?

 

François Baillon

 

Après avoir été directrice marketing d’une grande société, Véronique Delamarre Bellégo a longuement vécu au Japon avec sa famille. Depuis 2006, elle écrit pour la jeunesse et a publié plusieurs ouvrages chez Oskar Éditeur, Nathan, Auzou, ou encore Sarbacane. Plusieurs de ses romans sont déjà détenteurs de nombreux Prix et ont été des succès, dont SOS ange gardien et Le secret de grand-oncle Arthur.



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A propos du rédacteur

François Baillon

 

Diplômé en Lettres Modernes à la Sorbonne et ancien élève du Cours Florent, François Baillon a contribué à la revue de littérature Les Cahiers de la rue Ventura, entre 2010 et 2018, où certains de ses poèmes et proses poétiques ont paru. On retrouve également ses textes dans des revues comme Le Capital des Mots, ou Délits d’encre. En 2017, il publie le recueil poétique 17ème Arr. aux Editions Le Coudrier.