Contes d'amour, de folie et de mort, Horacio Quiroga
Contes d’amour de folie et de mort , trad. espagnol (Uruguay) par Frédéric Chambert, 5 septembre 2013, 215 pages, 10 €
Ecrivain(s): Horacio Quiroga Edition: Métailié
Les contes d’amour de folie et de mort ont été écrits en 1917. Horacio Quiroga, écrivain uruguayen, a eu une vie durant laquelle il a côtoyé la mort dès son plus jeune âge, ce qui a, à l’évidence, plus qu’influencé son œuvre. Il a trois mois quand son père se tire une balle de fusil dans la tête, et on ne saura pas s’il s’agit d’un suicide ou d’un accident. En revanche, dix sept ans plus tard, son beau-père se suicide en raison d’une maladie. Sa première femme se suicide en 1915 et Quiroga lui-même va tuer accidentellement son meilleur ami lors de la manipulation d’un pistolet.
Ce recueil de nouvelles, relativement courtes, met en scène la mort dans ce qu’elle a d’incontournable, et on ne s’étonnera pas de trouver dans les nouvelles des chutes qui paraissent d’une logique implacable. Lire Horacio Quiroga c’est s’immerger dans ce rapport au monde très singulier, où l’éphémère est au service d’un réalisme et dans lequel chaque détail a son importance.
Les descriptions ne sont jamais longues, pourtant leur précision est effective et elles permettent aussi à l’auteur de prononcer quelques sentences sur le monde qui l’entoure. Ainsi, dans la nouvelle intitulée La mort d’Isolde, deux mots suffisent-ils pour décrire un mari : il le taxe de « vulgarité épicière », l’expression renvoie à un souci esthétique présent dans tous les textes.
Son rapport à la nature est également présent, et la précision des descriptions montre là encore la conscience qu’il avait de cette nature dans laquelle il avait décidé de vivre pendant quelques années. Dans la nouvelle intitulée L’insolation, quelques phrases suffisent pour créer une atmosphère très réaliste :
« Cependant la chaleur augmentait. L’air vibrait de tous côtés, blessant les yeux dans le paysage silencieux et aveuglant de lumière. La terre retournée exhalait un souffle brûlant que les péons supportaient, la tête enveloppée jusqu’aux oreilles par un foulard flottant, dans le mutisme des travaux des champs ».
Si l’essentiel des nouvelles n’est pas dans ces descriptions très réalistes, elles donnent cependant une tonalité qui ajoute parfois un peu d’humour à ce qui, a priori, n’en a pas.
Dans cette même nouvelle, s’il s’agit de raconter la fin d’un propriétaire terrien, terrassé par une insolation, c’est aussi l’occasion de dire un contexte de vie difficile en raison d’une nature hostile. Il faut lire L’oreiller à plumes dont la chute est fatale, mais dans laquelle la méconnaissance a des conséquences insoupçonnées. La mort toujours renouvelée marque la quinzaine de nouvelles du recueil, et parmi elles Les bateaux suicides est sans doute la plus efficiente pour dire l’obsession de la mort qu’avait l’auteur.
Guy Donikian
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