Comprendre l’inclusion scolaire, Julien Fumey, Annick Ventoso-y-Font
Comprendre l’inclusion scolaire, Julien Fumey, Annick Ventoso-y-Font, Canopé éditions, coll. Éclairer, 2016, 128 pages, 9,90 €
Ouvrage essentiel, pour tout enseignant. Et, par voie de conséquence, pour tout parent attentif à l’enseignement au sein duquel se meut son enfant.
Ouvrage indispensable. Car ouvrage prenant en compte, de lumineuse manière (avec une clarté qui laisse à l’intelligence toute sa place), la question – peut-être – centrale de tout enseignement, à savoir celle de l’inclusion.
Un enseignant ne peut que donner corps, à sa manière, à une pratique de la pédagogie différenciée, « [l]’approche par compétences inclu[ant] nécessairement la différenciation pédagogique » [1] ; « [c]haque enfant arrive différent : il porte avec lui ses besoins, ses soucis, ses préoccupations. Comment tenir compte de cette diversité et mener quand même toute la classe vers des savoirs partagés ? » [2].
L’on comprend combien l’inclusion scolaire est nécessaire. Précisons d’emblée, comme le font Julien Fumey et Annick Ventoso-y-Font, que « [l]’inclusion scolaire n’est pas réservée à une catégorie spécifique d’élèves. Rappelons que dans l’idée de besoins éducatifs particuliers, la particularité est celle des besoins éducatifs, pas des individus. Il ne s’agit pas d’inclure des êtres considérés par exemple comme a-normaux ou a-sociaux. En d’autres termes, il ne peut plus être question de catégoriser des personnes en les figeant dans la radicalité de leur altérité, ce qui reviendrait à les discriminer. La subtilité de la logique inclusive vient du fait qu’elle n’est pas centrée sur la nature de la personne concernée, mais sur son rapport à l’environnement, et sur l’écoute de ce qu’elle a à en dire ».
Pour affiner le développement de cette éducation inclusive effective, l’enseignant pourra se baser avec profit, et autant que faire se peut, sur la typologie des besoins éducatifs particuliers présentée dans Comprendre l’inclusion scolaire, besoins à mettre en regard d’un objectif majeur : « construire un milieu d’apprentissage qui permette à chacun de construire ses connaissances », – l’objectif étant que « les difficultés d’apprentissage » puissent être considérées, jusque par les élèves eux-mêmes, « comme des opportunités de perfectionner la pratique » :
« – Des besoins en temps : laisser la possibilité à chacun de progresser à son rythme comme c’est déjà le cas par exemple pour les élèves bénéficiant de temps aménagés. Le rythme des programmes et des années scolaires rend souvent complexe cette adaptation au cheminement individuel qui peut paraître en décalage avec le rythme collectif de la classe. Cependant, admettre que tous les élèves n’apprennent pas à la même vitesse, c’est à la fois laisser la possibilité à certains de mieux maîtriser une notion et à d’autres de l’approfondir [3].
– Des besoins matériels : la mise en place d’une perspective inclusive implique également des besoins matériels allant du plus simple et moins coûteux au plus complexe et onéreux. Ainsi, un élève dyspraxique n’aura peut-être besoin que d’un type de papier aux lignes aérées avec un système de couleur pour mieux se repérer sur la page ; le simple achat d’un dictionnaire bilingue simplifiera l’acquisition du vocabulaire pour un élève allophone. En ce sens, le développement des usages, des sources et des outils numériques est un levier de prise en compte des besoins éducatifs particuliers.
– Des besoins d’adaptation des supports, des espaces de travail et des méthodes pédagogiques : répondre aux besoins spécifiques passe aussi par l’adaptation des supports qui […] peut être très variée. Le changement de la taille d’une police, la simplification d’une consigne ou la mise en place de repères visuels constituent autant d’aménagements compensatoires. Des considérations ergonomiques pourront conduire à des aménagements de l’espace qui au final seront bénéfiques à tous : moins de tables individuelles inamovibles, plus de regroupements mobiles avec mobilier adapté.
– Des besoins de suivi et d’encadrement supplémentaires : comme c’est déjà le cas en France, le fonctionnement de l’école inclusive passe aussi par la formation et le recrutement de personnels spécialisés, par la mise en place de temps de suivi supplémentaire et par des encadrements variés allant de la spécialisation de l’enseignant de classe ordinaire à la co-intervention ».
Matthieu Gosztola
[1] Nouvelle Revue Pédagogique, lettres collège, n°637, « Des compétences pour lire et écrire la poésie », mars 2014. Cf. notamment Cahiers pédagogiques, n°476, « Travailler par compétences », octobre 2009.
[2] Olivier Maulini, « Sous le savoir, le questionnement, Raisons d’apprendre et de continuer d’enseigner », Café pédagogique, n°69, 21 janvier 2006.
[3] Sylvie Cèbe, Roland Goigoux, Maïté Perez-Bacqué et Charlotte Raguideau développent ce point dans Lector & Lectrix collège, apprendre à comprendre les textes (Éditions Retz, 2012) : « [d]ans [certaines] classes, […] il faut un peu accélérer le rythme ou, dans certains cas, passer plus vite à la tâche suivante ; attention, cependant, à ne pas régler le tempo de votre progression sur la célérité des élèves les plus performants. Il est important de ne pas aller trop vite pour laisser aux plus faibles le temps d’acquérir des compétences stables et durables […]. Vous verrez qu’il conviendra parfois de diviser votre groupe classe et de dispenser certains élèves des activités que vous conduirez avec un petit groupe en leur proposant des tâches […] à réaliser seuls ».
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