Comme un lundi, Carnet de bord assis tout au bord du temps, Thomas Vinau (par Sylvie Zobda)
Comme un lundi, Carnet de bord assis tout au bord du temps, La fosse aux ours, août 2018, 115 pages, 15 €
Ecrivain(s): Thomas Vinau
Thomas Vinau dédie son recueil de prose poétique aux bestioles tendres et aux brindilles souples. Dès les premiers mots, le ton est donné. Celui de la vie quotidienne, réenchantée par la plume kaléidoscopique de l’auteur. Il faut un certain talent pour s’émerveiller d’un début de semaine, entre pleurs d’un enfant, pluie continue, pelouse à tondre et ce temps qui défile, qui déraille, qu’il faut retenir pour mieux vivre l’instant. L’instant donc est précieux. Et c’est le bonheur des petits trésors que la vie apporte qui nous est présenté dans cette respiration bienfaisante.
« Il me faut prendre le temps. L’agripper par le col. Le maintenir sur place. J’ai ma technique pour ça. Technique de survie. M’asseoir et rattraper le retard par les yeux. Du néant au séant, je règle la focale. Distinguer la lumière qui escalade le mur. La longue patience sage du tuyau d’arrosage. Les couleurs qui font leurs bagages sur les jouets abimés. Il me faut reprendre à zéro. Dans les petits scintillements du néant. Refuser le mouvement du jour… » (Au sommet du plongeoir, p.62).
Les instantanés de Thomas Vinau peignent des éléments lumineux. Des miettes de ciel et d’herbe, de café et de menthe, de sa vie familiale. La lumière des apprentissages.
« Je voudrais te dire, vivre c’est ça. C’est montrer la lune à quelqu’un. Et partager en silence ce qu’il y a derrière. Partager la lumière qui ne se voit pas dans le grand noir infini de l’espace et de la nuit » (La Lune, p.68).
L’auteur utilise aussi la poésie comme langage de la beauté de la nature, patrimoine de l’humanité, cette création qui a perdu sa genèse mais qui devient précieuse en raison de sa destruction. Nature rare, à protéger, vue avec curiosité. Il cite Jack London en toute logique. Le sauvage est dépeint par fragment, dans des notes joyeuses ou humoristiques.
« Cher écureuil hirsute,
Ce petit mot pour te dire que, depuis ton départ, le vieux mélèze de l’entrée est un vaisseau fantôme sans capitaine. La pie en vigie plante ses cris dans le ciel… » (Lettre noisette, p.29).
Comme un lundi est, entre autre, dans la lignée du Camp des autres (Alma, 2017) pour son lien respectueux à la nature ou encore de La part des nuages (Alma, 2014) par sa capacité à faire du futile le précieux de la vie.
Ce livre nous interroge sur notre capacité à évacuer les tracas de notre quotidien et à plonger dans le merveilleux du temps indompté. L’auteur, à l’œuvre maintenant conséquente, y déborde d’une sensibilité instinctive.
Sylvie Zobda
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