Comme un bal de fantômes, Éric Poindron
Comme un bal de fantômes, juin 2017, 231 pages, 17 €
Ecrivain(s): Eric Poindron Edition: Le Castor Astral
La matière première de la poésie d’Éric Poindron n’est pas Éric Poindron. La chose est assez rare pour servir d’introduction à ce billet. Éric Poindron s’efface dans sa poésie, se met au second plan, ou en fond d’écran, pour laisser place à l’univers, aux univers, d’Éric Poindron, à leur liberté indomptable. Et ces univers sont peuplés des poètes, des ami(e)s, des référents, des maîtres, des lieux, des curiosités qui lui sont si chères. Il est d’usage (de mauvais usage ?) de faire des rapprochements avec d’autres poètes, des maîtres souvent, quand on parle d’un poète. Bien malin celui qui pourrait avec Poindron. D’ailleurs sa poésie est-elle seulement poésie ? Plus exactement la poétique omniprésente de cet ouvrage est-elle « poésie » ? Nul métrage, nulle contrainte rythmique ou rimique, nul carcan. Ces textes sont à l’image de Poindron, libres, inattendus, issus d’un esprit vagabond et d’une culture immense.
On croise ainsi Nerval (Ô combien Nerval, plus Nerval que jamais), et Dumas et Pouchkine et Rimbaud et Apollinaire et Nabokov et … personne et rien, tout le monde et tout. L’univers d’Éric Poindron est justement ça, l’univers, avec ses toutes petites choses et ses très grandes.
« A quoi doit-on trinquer ?
au jazz, au vin de Hongrie ;
à nos frères qu’on ne connaît pas ;
à la fleuriste aveugle ;
[…] »
Et ainsi passent et repassent, dans la ciselure absolue des mots, les amitiés, les passions, les peurs et – parfois – le souffle de l’histoire. Tout cela se fait sur le ton du souffle, du murmure, de la plume spontanée (qui cache tant de travail), évidente, qui souvent choisit la narration, presque prosaïque, pour dire plus encore sur le ton de la simplicité. Le secret de la précieuse poésie d’Éric Poindron est là : la simplicité. Le cœur de son art, c’est de conjuguer une immense culture, des allusions complexes, des citations implicites sophistiquées avec la simplicité des vrais poètes. « Rien qui pèse ou qui pose » disait Verlaine.
« Celui-là même est vendangeur mes bons frères
En Champagne Bourgogne Beaujolais
Trimard dans les riches vignes de France
Il sent le tanin observe les papillons
Qui se reposent sur les cuves
Il croit à l’alchimie de la chimie
Caresse le chien du patron
Et goûte le “vin doux”
Quand le patron l’y invite […] »
On ne lâche pas ce livre, on n’abandonne pas une promenade enchantée. On veut continuer à suivre Éric Poindron sur ses sentes inattendues, merveilleuses, dans ses méandres enchanteurs et poivrés.
Léon-Marc Levy
Lire l'entretien entre Eric Poindron et Philippe Chauché
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