Comme résonne la vie, Hélène Dorion
Comme résonne la vie, éd. Bruno Doucey, février 2018, 80 pages, 13 €
Ecrivain(s): Hélène Dorion
Le dernier recueil d’Hélène Dorion a été publié en France quelques mois seulement avant que ne soit à l’honneur le Québec au 36è Marché de la Poésie.
Les premières pages déjà parues en livret aux éditions du Petit Flou sous le titre également de Tant de fleuves seront relues avec bonheur.
Avant de développer ce qu’annonce l’incipit :
et comme résonne étrangement l’aube
à l’horizon, enfin résonne la vie
la poète, au moyen des groupes verbaux anaphoriques « on voudrait » et, plus loin dans le texte, « on consacre », exprime l’interaction forte entre le rêve et la réalité sous le signe à la fois du désir et de la possession. La douleur puis la renaissance qui souvent lui succède n’empêchent pas le paradoxe que les mots lus et écrits font surgir :
On désire quelque chose d’éternel
et ce désir même
ne dure pas
Mais la récurrence du mot « jardin » laisse néanmoins présager un espoir et après des vers sombres sur « ce qui est à guérir » jaillit la lumière qui « dissout les nœuds » et donne « des soifs puissantes ». C’est alors un nouveau départ avec, sous la protection des mots, un monde à visiter. Retour aussi de l’étonnement sans lequel il n’ y a plus de joie et d’inspiration possibles. Le très petit de la nature, les je t’aimequi reviennent, la voix à entendre, l’identité qui se retrouve : tout ainsi est « promesse du recommencement ».
Le thème du temps est prétexte ici, non à l’expression d’un pessimisme conventionnel, mais à celle de l’espérance puisqu’au matin, au réveil, tout renaît et a une nouvelle chance, en plein cœur d’une logique panthéiste, « alors que la poussière des heures / rejoint le murmure des racines ». C’est que la nature n’est pas seulement adjuvante, elle est l’image même de la vie et pour qui sait l’aimer, il y a victoire, celle de la lumière de la grâce.
dans la poitrine, la chute
légère des flocons
transforme ton cœur, écoute
résonner ce bonheur, tu ne peux ignorer
le bourgeon devenu feuille
l’amour tranquille et vif
dans le filet
de clarté qui surgit.
Mais avant cette multiple métamorphose, il faut s’arracher « à la douleur », il faut que la terre « remonte de sa nuit ». Et qu’enfin la « main s’agrippe où persiste l’éclaircie ».
Ainsi a lieu la quête nécessaire :
et si tu cherches la vraie vie, tu entendras
dans ton cœur, ton âme
le murmure continu des choses
Et cette quête ne pourra se faire que dans la disponibilité aux gens et aux choses, dans la connaissance de ce qu’on devient et dans l’espérance toujours d’un « commencement / qui nous recommencera ».
Mais, ainsi que les titres des deux parties le signifient : « Etrange comme la lumière » et « Etrange, comme le monde », un mystère persiste. Tel celui ressenti par Hélène à l’écoute du piano de sa mère qui l’a conduite, dans un rapport à la beauté, à un dialogue nécessaire. Et, à ce propos, la musicalité de ses textes est légère à la manière de celle produite par les touches ; ainsi les mots sont-ils des notes, grelots qui tintent harmonieusement.
Le néo-lyrisme, né dans les années 80, la poète le définit comme un retour au sens et un support pour cette écriture qui cherche : « la langue fouille une forêt de sens » et peut trouver une solution au moyen d’une dialectique entre, par exemple, l’ombre et la lumière – « la poussée des mots / sur les ombres nécessaires et leurs sauts de clarté » – ou le corps et âme et un troisième terme qui réunira, dit-elle encore quand on la questionne, les deux autres.
Et cela malgré la « brèche » qu’elle appelle également l’imperfection, la faille, une détresse féconde enfin qui fait partie de l’é-motion, de la mise en mouvement.
C’est bien pourquoi le « jardin » nommé plusieurs fois au début du livre est, on le découvre au cours de la seconde partie, l’espace offert par l’écriture.
Les mots dans la bouche
d’un livre qui les abrite et les confie
à l’or et au plomb, tu ouvres
la porte du jardin d’encre
et de papier, jardin de roses et de soie.
Dans cet « espace mental » naît alors « le vertige / que tu éprouves devant l’aube » et qui « chaque fois / transforme le chaos en joie ».
France Burghelle Rey
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