Charlotte, David Foenkinos
Charlotte, 256 pages, 29 €
Ecrivain(s): David Foenkinos Edition: Folio (Gallimard)
Charlotte est le récit de la vie de Charlotte Salomon, artiste peintre, morte à l’âge de 26 ans. Charlotte, c’est l’histoire d’une jeune juive punie par le destin ; c’est l’histoire d’une artiste ingénieuse et terriblement émouvante ; c’est l’histoire de la vie, de la mort, mais c’est aussi l’histoire d’une famille. Une famille dont l’humanité ressort plus que jamais, et que les tragédies successives, suicides ou génocides, viendront assaillir. Ce récit est aussi l’aboutissement d’une obsession, celle d’un auteur fasciné par l’œuvre, la personne, et la vie de Charlotte Salomon.
J’étais sceptique quant à la lecture de Charlotte car son écriture qui « respire », comme le dit l’auteur, m’est apparue, en tant qu’auteur moi-même, comme de la triche. Mais ces paragraphes qui évoquent les strophes d’un long poème sont vites justifiés : ce livre est une œuvre d’art. On s’attache vite aux courtes descriptions de l’auteur, dont l’écriture semble mûrir avec le protagoniste. On lit entre les lignes. Le récit tourne autour de deux sujets qui s’entremêlent tragiquement, l’art et la mort. Charlotte Salomon était prédestinée. Charlotte porte le nom d’une morte et tout le monde meurt, avant et à coté d’elle. La mort est là, jamais très loin. Reste l’attente interminable de savoir comment, à son tour, Charlotte sera soustraite au monde.
La façon dont le narrateur se mêle à l’histoire peut, premièrement, paraître dérangeante, puis on se passionne avec lui pour la jeune artiste, impuissante face à la tragédie qu’est sa vie. David Foenkinos parvient à nous faire ressentir les peintures de Charlotte comme si nous en étions nous-mêmes l’artiste. Certaines phrases mettent tout simplement des mots sur l’art et donnent l’impression, surtout quand on vit soi-même de l’art, d’avoir été Charlotte.
« Au sortir d’une œuvre, le monde extérieur apparaît à nouveau. Il est éblouissant, après des mois d’introspection. On quitte brutalement l’habitude d’avoir les yeux rivés à l’intérieur ».
Le sentiment qui ressort le plus, durant tout le long du récit, c’est l’injustice. L’injustice du diable qui se venge sur un ange innocent. On plonge avec Charlotte dans le désarroi, « qui n’est pas forcément incompatible avec le bonheur », puisque « on peut être à la fois heureux et perdu ». Du sourire aux grandes larmes, il est impossible de refermer ce livre une fois entamé. Et une fois terminé, en plus de vous avoir troublé, le récit de David Foenkinos vous offre ce sentiment puissant, et étrange, d’avoir connu Charlotte.
Un récit original d’une beauté à la fois douce et tragique, et qui incite, imminemment, à lire d’autres ouvrages de l’auteur.
Louisiane C. Dor
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