Cette voix d’un ailleurs, Danusza Bytniewski (par Patrick Devaux)
Cette voix d’un ailleurs, éd. Samizdat, 2013, 96 pages
Ecrivain(s): Danusza Bytniewski
Comment appréhender cet autre soi-même, une sorte de double en un lieu autre ? : « La voix/goutte à goutte elle chemine en moi/Me lave de la poussière/ Tel un oiseau qui voudrait voler, cogne contre les bourreaux de mon impuissance ».
L’échappatoire mène à la conclusion de faire partie d’un tout « autre » : « Je suis plus loin que l’exil. Je n’ai pas quitté mon corps, c’est lui qui m’a quitté… Je suis… sans tout ce qui donne à vivre ».
Le mystère de la vie jaillit dans tout son éclat avec une sorte de touche incantatoire non dénuée d’absence : « Mon corps semble en repos éternel, car je suppose que j’ai un corps. Il est si loin de moi, dans une zone où je ne suis pas ».
Au désert mental se substitue le souvenir du paysage ressenti :
« En apparence, aucune différence ne nous distingue. Le turban savamment enroulé autour de la tête et du visage nous rend semblables… Je vis ici la relativité de toute chose et l’absence de hiérarchie ». J’ai fortement songé au magnifique texte de Pierre Loti, Le Désert.
Un petit chef-d’œuvre de sensations ressenties entre deux mondes avec ce souci de la complémentarité : « Tu aimes ce qui fuit, disparaît, qu’on ne peut retenir. J’aime ce qui est stable, défini ».
Cette superbe phrase dit tout de la différence, du non-dit, de ce qui n’est pas visible :
« Que serait la Vénus de Milo sans ses bras absents ? » comme aussi « Sur la table le cahier à la couverture noire ».
Le texte balance entre lieu, temps et oubli sans que cela ne soit précisé : « Le regard heurte le néant. Le blanc et le noir se confondent. Un signe éclaterait la paroi, dessinant l’étoile du passage ». Le texte, dans son ensemble, révèle une intériorité positive et qui finit par rayonner au-delà de toute solitude.
J’ai songé au shintoïsme car « dans l’obscur de l’âme elle quête l’étincelle qui éparpillerait le tumulte des ombres ».
Patrick Devaux
- Vu : 1764