Identification

Célèbre la terre pour l’ange, Anthologie, Rainer Maria Rilke (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier 12.06.19 dans La Une Livres, Anthologie, Les Livres, Critiques, Albin Michel, Langue allemande

Célèbre la terre pour l’ange, Anthologie, octobre 2018, trad. allemand Jeanne Wagner, 138 pages, 14 €

Ecrivain(s): Rainer Maria Rilke Edition: Albin Michel

Célèbre la terre pour l’ange, Anthologie, Rainer Maria Rilke (par Gilles Banderier)

 

À force de contempler des cascades d’angelots aux joues rebondies et aux membres potelés ruisseler des plafonds dans les églises baroques, on a fini par oublier à quel point ces êtres surnaturels, qui contemplent Dieu en face, peuvent être inquiétants (le peintre belge Fernand Khnopff s’en était souvenu). Une hiérarchie complexe les différencie, de l’humble ange gardien (mais un ange peut-il être humble ?) qui accompagne chaque être humain le long de son chemin ici-bas, à ces entités mystérieuses que sont les Trônes, les Dominations, les Vertus, les Puissances, les Principautés (voir l’épître aux Romains, 8, 38-39), que le catholicisme d’avant l’effondrement invoquait dans le canon de la messe ; en passant par les archanges : Gabriel, Raphaël (qui guérit Tobie) et Michel (en hébreu, « qui est pareil à Dieu »), protecteur du peuple juif, de la Synagogue, puis de l’Église. « Ego enim sum Raphael angelus, unus ex septem qui astamus ante Dominum » (Tobie 12, 15, « Je suis Raphaël, l’un des sept anges qui se tiennent devant la gloire du Seigneur et pénètrent en sa présence », trad. T.O.B.)

Quiconque a fréquenté la poésie de Rilke sait la place qu’y occupent les anges. La théologie angélique du poète, si l’on peut employer cette expression, a subi plusieurs influences, dont La chute d’un ange de Rodin, qui devance d’un bon siècle le film fameux de Wenders. Rilke entretint-il véritablement une dette envers la Perse préislamique (Friedrich Carl Andreas, le chaste mari de Lou Andreas-Salomé, fut un iranologue réputé) ? Fut-il un lecteur de Lamartine ? Ou Rilke a-t-il retrouvé, via ses périples en terres orthodoxes et catholiques, une angélologie originelle, loin d’une iconographie douceâtre à la mode ?

Cette belle anthologie, dont on regrettera qu’elle ne fût pas bilingue, propose, dans une nouvelle traduction, à la fois des extraits d’œuvres bien connues (les Cahiers de Malte Laurids Brigge, les Élégies de Duino) et des textes moins célèbres, comme cette mystérieuse Vie de Marie, perdue, puis récrite en quelques jours comme sous une « dictée magique », sans oublier plusieurs pages de poèmes composés par Rilke directement en français.

 

Gilles Banderier

 


  • Vu : 1976

Réseaux Sociaux

A propos de l'écrivain

Rainer Maria Rilke

 

Né dans une famille désunie, Rainer Maria Rilke passe une enfance solitaire en Allemagne. Son père, un officier à la retraite, souhaite qu'il fasse une carrièredans l'armée. Il l'envoie pendant cinq ans dans les écoles militaires de Saint-Pölten et de Mährisch-Weisskirchen.

A Prague, Munich et Berlin, il étudie le droit et le commerce. Parallèlement, il publie des textes en prose et des poèmes, comme "Pour ma joie", dans des revues allemandes et autrichiennes.

Sans réelles attaches, il vit en Italie, en Russie, en Espagne, au Danemark, en France et en Suisse où il écrit des recueils de poésie en français, tels que "Vergers" ou "Les Quatrains valaisans". Il traduit même Paul Valéry en allemand.

Spiritualiste, il est convaincu de la présence de Dieu, notamment dans son recueil "Histoires du bon Dieu" en 1900.

"Le Livre de la pauvreté et de la mort", une méditation sur la mort, révèle la richesse de sa vie intérieure.

En 1926, il se pique avec les épines d'une rose qu'il vient de couper. Quelques temps après, Rainer Maria Rilke décède d'une leucémie au sanatorium de Valmont, en Suisse, où il aurait refusé les soins thérapeutiques.

 

A propos du rédacteur

Gilles Banderier

 

Lire tous les articles de Gilles Banderier

 

Docteur ès-lettres, coéditeur de La Lyre jésuite. Anthologie de poèmes latins (préface de Marc Fumaroli, de l’Académie française), Gilles Banderier s’intéresse aux rapports entre littérature, théologie et histoire des idées. Dernier ouvrage publié : Les Vampires. Aux origines du mythe (2015).