Ce que savent les baleines, Pino Cacucci
Ce que savent les baleines, traduit de l’italien par Lise Chapuis, mars 2012, 15,00 €
Ecrivain(s): Pino Cacucci Edition: Christian Bourgois
D’événements graves (les Conquistadors, le massacre des baleines) à d’autres plus anecdotiques (la « véritable » histoire de l’Hôtel California), en passant par les moment de grâce, tels les spectacles de la nature qui laissent « muet, en extase » comme ces baleines grises « qui ponctuent de souffles vaporeux toute la ligne d’horizon (et) s’approchent du bord et remuent le fond sablonneux à quelques mètres du rivage », Pino Cacucci emmène ses lecteurs pour une promenade du sud au nord de la « Baja California », la Basse-Californie, de La Paz – la première tentative d’implantation espagnole, là où Hernán Cortés s’avança en 1535 – à la frontière, du côté de Tijuana. Son credo : la nature.
« On part. Et pour ce long voyage, on a une robuste Dodge Durango, plus spacieuse et confortable que la Bronco. En fond sonore : Bruce Springsteen ». La région semble belle, avec des bords de mer magnifiques, des baies des anges, des terres où poussent « le petit cactus tonneau jusqu’au robuste saguaro ou au cactus cierge haut de vingt mètres », des pics du diable et, « en somme, traverser la Baja en février est un plaisir sublime ».
Cacucci est un connaisseur de la région, déjà parcourue et déjà décrite dans un livre, Poussières mexicaines (Payot). Il raconte beaucoup de choses : des histoires de trésor, de corsaires, de mutineries, de perles dans les huitres, de Jésuites et d’Indiens, de peintures rupestres peut-être liées à des migrations pas encore expliquées. Il rappelle qu’en 1869 le phylloxera fait des ravages en Europe et que si nous buvons du vin aujourd’hui on le doit aux cépages rapportés – entre autres – de cette partie de la Californie. Cacucci propose également sa vision de l’écologie, et se demande si nous avons appris quelque chose en regardant la nature et les baleines.
Pour le voyageur, les grands moments de bonheur c’est lorsque « pas loin de là, les baleines voltigent, font des cabrioles et exhalent leurs haleines vaporeuses ». Plus encore lorsque les baleines approchent la frêle embarcation et que « la grosse tête historiée de concrétions blanches se dresse et nous observe en restant parfaitement à la verticale. En l’espace de quelques minutes c’est tout un grouillement de dos et de queues, et nous restons ébahis face à cette majesté inquiétante, face à une telle force qui pourrait nous briser en deux d’un léger coup de nageoire, mais au contraire… » Bien sûr Cacucci se pose quelques questions sur le fait que les baleines semblent sentir la présence des personnes bien disposées à leur égard – « oui, elles le savent » –, voire qu’elles pourraient communiquer avec l’homme, mais pour conclure que « le comportement des baleines constitue un insondable mystère ». Très bon récit, d’un voyageur très proche de la nature – malgré la Dodge citée plus haut – et très cultivé sur l’histoire et la géographie du pays traversé ; indispensable dans le sac à dos lors d’une balade en Basse-Californie.
Les premières lignes : « Il s’appelait le Black Warrior. C’était un baleinier mis à l’eau dans les chantiers de Duxbury, Massachusetts, en 1825. Pendant un quart de siècle il avait massacré des cétacés dans le Pacifique et dans l’océan Indien. Pour finir, il avait été acheté par un amateur d’Honolulu, et le nouvel équipage avait fait route vers le sud, vers la Californie restée mexicaine après la guerre d’invasion par les États-Unis de 1847 ».
Lionel Bedin
- Vu : 4478