Ce monde cruel, Richard Lange (par Yann Suty)
Ce monde cruel, 352 pages, 23 €
Ecrivain(s): Richard Lange Edition: Albin MichelCe monde cruel. Le titre est un peu bateau, rappelle bien d’autres livres, films ou téléfilms. Ça promet le roman à thèse, forcément, où l’on apprendra au final pourquoi le monde est cruel. Mais nous ne le savions pas déjà un peu, non ?
Jimmy Boone est un ex-détenu en liberté conditionnelle. Ancien marine et garde du corps, il a passé près de cinq ans à prison. Devenu barman au Tick Tock, il doit se tenir à carreaux, éviter les ennuis, sinon c’est retour à la case prison.
Un jour, il accompagne Robo, l’homme de la sécurité du Tick Tock, à un rendez-vous. Il doit faire semblant d’être policier. Et Jimmy qui s’était promis de rester sage sait qu’il a déjà mis les pieds dans un engrenage fatal, forcément fatal.
Ils rendent visite au grand-père d’un sans-papier guatémaltèque retrouvé mort dans un bus, le corps criblé de morsures de chiens infectées. Le grand-père veut juste savoir comment est mort son petit-fils. Juste connaître les circonstances du drame. Il ne s’agit même pas de retrouver un ou des coupables.
Et Boone se retrouve propulsé dans une enquête où il croisera des dealers peu habiles, des organisateurs de combats de chiens, une strip-teaseuses vengeresse ou une ex-policière à la beauté troublante.
« Je n’en reviens pas que tu aies réussi à m’embringuer dans cette histoire.
- Hé, ce n’est pas de faute, dit Robo. Tu as bon cœur.
- Non, c’est faux, je suis un triple abruti. »
Boone se sent investi d’une mission. Il brûle d’un feu qu’il n’a pas connu depuis des années. Il sait qu’il est idiot de se mettre dans ce genre de situation, mais « il continuera à avancer jusqu’à foncer la tête la première dans un mur. »
Richard Lange se sert habilement des codes du roman noir. Un héros désabusé qui sait qu’il se met dans le pétrin, mais qui ne peut y résister. Des méchants hors-normes. Les bons amis qui sont toujours là pour vous filer un coup de main. La femme fatale et celle pour lequel le cœur du héros chavire.
Tous les ingrédients sont là et la mayonnaise prend.
L’auteur plonge dans les bas-fonds de Los Angeles, au milieu des laissés pour comptes. Certaines de ses pages sont saisissantes, notamment celles des combats de chiens, sanglantes, décrites avec force de détail et une belle sauvagerie, qui n’est pas sans évoquer le brillant film d’Alejandro González Inárritu, Amours Chiennes.
L’intrigue est rondement menée. Ce monde cruel peut tout à fait être rangé dans la catégorie des page-turner. Bien mieux écrit qu’un Harlan Coben (pas difficile, c’est vrai) nettement inférieur à la plume d’un James Lee Burke, on se laisse malgré tout prendre au jeu.
On regrettera un épilogue un peu trop facile, trop happy-end hollywoodien, pas franchement cruel, contrairement à ce que le titre du livre promettait. C’est dommage. Mais à la rigueur, il suffit d’arracher les trois dernières pages.
Yann Suty
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