Blood Hollow, William Kent Krueger
Blood Hollow, 13 septembre 2012 trad. anglais (USA) Sophie Aslanides, 480 p. 20 €
Ecrivain(s): William Kent Krueger Edition: Le Cherche-Midi
Troisième volet de ce qui semble être une trilogie, après Aurora, Minnesota et Les neiges de la mort, les amateurs d’enquête policière ne pourront qu’adorer Blood Hollow, mais même ceux qui ne sont pas particulièrement attirés par le genre, auront du mal à ne pas se laisser happer par ce roman dense, riche et captivant. L’événement qui a secoué la petite et tranquille ville d’Aurora dans le Minnesota, va prendre rapidement l’allure d’un séisme. L’enquête est minutieusement menée par Corcoran « Cork » O’Connor, conjointement avec sa femme. Cork est un ex-flic de Chicago et l’ex-shérif de la petite ville. Mi-Irlandais, mi-Anishinaabeg, c’est un personnage très attachant, épris de vérité et de justice, reconverti un peu malgré lui dans la vente d’hamburgers, au bord du lac d’Iron Lake. Une sorte de retraite suite à un conflit dramatique. Sa femme Jo est l’avocate qui va prendre en charge la défense du présumé coupable. Coupable de meurtre, celui de la jeune Charlotte Kane, fille d’une des familles les plus riches de la ville. Le suspect est un ex-petit ami, Solemn Winter Moon, un Ojibwe vivant sur la réserve, déjà connu des services de la police pour diverses infractions et son impulsivité notoire. Cork et Jo O’Connor le connaissent bien et sont tous deux quasi persuadés de son innocence, malgré les preuves qui l’accablent.
L’enquête démarre de façon assez classique pour ne cesser de rebondir, basculant parfois dans le roman fantastique noir, et au fur et à mesure de plus en plus dans ce qu’on pourrait appeler un polar spirituel. Car ce qui transparaît dans ce roman dont l’intrigue est maîtrisée à la perfection par l’auteur, c’est un questionnement spirituel. Un questionnement sur la foi, le manque de foi, la perte de foi, les excès de la foi quand elle tourne au fanatisme délirant et assassin et plus largement à la quête du sens de la vie, où la spiritualité d’une forme ou d’une autre, quelles que soient nos croyances, peut s’avérer essentielle pour savoir qui nous sommes.
« Chaque être humain, lui semblait-il, était un assemblage d’impulsions conflictuelles enserrées dans un seul corps, essayant tant bien que mal de trouver la paix ».
Le problème de l’identité est un autre sujet largement prédominant dans ce livre. Nombre de personnages s’avèreront être bien différents de ce qu’ils ont l’air d’être, et par là, il est question aussi des problématiques de préjugés et d’intolérance.
« Il aimait Aurora et comprenait pourquoi c’était le genre d’endroit où venaient les gens qui voulaient échapper à des problèmes – au monde, à une grande ville, à un passé trouble. Mais il n’existait pas d’endroit assez éloigné qui permettait d’échapper à ce qu’on était. Même si les gens gardaient des secrets pour les autres, ils devaient malgré tout vivre avec eux-mêmes. C’était exactement ce que Cordelia Diller lui avait dit sur cette colline dans l’Iowa. Pour recommencer à zéro, le meilleur point de départ, c’était de regarder la vérité en face ».
Dans tout ce micmac, un personnage deviendra central bien qu’il n’apparaisse qu’à deux ou trois reprises. C’est Henry Meloux, un grand-père Ojibwe, qui vit avec son chien dans une cabane à l’écart des hommes, au sein de cette nature grandiose et sauvage du Minnesota. Détenteur d’une spiritualité ancestrale solidement reliée à la Terre, le vieil Ojibwe sera un guide précieux pour montrer la voie de la paix et de la sagesse.
« Chaque fois que Cork entrait dans la forêt profonde, il savait qu’il pénétrait dans un endroit sacré. C’était proche de ce qu’il ressentait, lorsque, enfant, il entrait dans l’église. (…) Il y avait ici un esprit si grand qu’il rendait le cœur de l’homme tout petit. Le sang anishinaabeg qui coulait dans ses veines était peut-être la raison pour laquelle il ressentait cela, mais il ne le croyait pas. Il pensait que tout homme ou toute femme qui venait ici sans méchanceté ressentirait la même chose ».
Blood Hollow est un roman passionnant, facile à lire, ce qui n’exclut pas la profondeur. L’auteur a l’art des petits détails anodins qui donnent à son écriture un ton extrêmement vivant et si réaliste, "qu’on s’y croirait", comme disent les enfants. Le genre de livre qu’on a vraiment du mal à poser, une fois qu’on l’a commencé.
Cathy Garcia
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