Billy le menteur, Keith Waterhouse (par Fedwa Bouzit)
Billy le menteur, Keith Waterhouse, janvier 2019, trad. anglais Jacqueline Le Begnec, 239 pages, 17 €
Billy le menteur de Keith Waterhouse m’a réellement surprise. Le titre simplet pourrait laisser suggérer une histoire banale, voire un roman jeunesse. Mais dès les premières pages, on se rend compte qu’il s’agit en fait d’un récit sombre, servi d’un humour désespéré et drôlement addictif. Publié d’abord en 1960, Billy le menteur est un roman culte au Royaume-Uni. La plume de Keith Waterhouse s’inscrit dans une vague littéraire des années cinquante apparue dans le nord du pays, et que la critique avait désignée de « jeunes hommes en colère ».
On a bien l’impression d’avoir affaire à un jeune homme en colère avec Billy Fisher, le personnage principal. Mais on ne saurait le réduire à cette couche primaire, qui n’est probablement que le symptôme d’un malaise plus complexe. Billy Fisher habite la ville fictive de Stradhoughton, dans le Yorkshire. Au seuil de l’âge adulte, il habite chez ses parents avec lesquels il se chamaille tous les jours, il travaille dans une compagnie des pompes funèbres où il passe le plus clair de son temps à composer des poèmes satiriques, et en fin de journée il courtise des femmes qui toutes l’irritent d’une façon ou d’une autre : Barbara avec ses manières prudes et sa manie de manger des oranges à longueur de journée, Rita avec son langage ordurier et Liz avec ses vêtements froissés et poussiéreux.
Billy évolue dans un univers inconfortable et nous sommes en même temps que lui dans l’inconfort, au fil du récit. On se demande bien pourquoi il continue à s’engager dans une vie qui le rend si insatisfait, pourquoi est-ce qu’il ne prend pas le prochain train pour Londres poursuivre une carrière rêvée de scénariste comme il l’annonce au début du roman. Il n’en fera jamais rien, car derrière ce voile de colère, il y a aussi une peur panique de l’action. Alors, pour avancer dans une vie incommode, pour faire passer la profonde insatisfaction qu’il a de lui-même et des autres, il ment. Faisant appel à ses talents de conteur, il ment pour se tirer de l’embarras, parfois même sans raison particulière, par pur esthétisme.
Billy Fisher mène une vie d’évitement. Quand le cumul de ses mensonges le rattrape, quand l’anxiété commence à poindre le bout de son nez, il se réfugie dans un monde imaginaire inventé de toutes pièces. C’est un pays parallèle dans lequel il mène une brillante carrière de politique, où il est estimé et respecté, dénoue les crises les plus tendues en un tour de main, où rien n’est jamais bien grave. Pendant ce temps, le bilan de ses manquements ne cesse de s’alourdir et on suit, le temps d’une journée, la chute d’un adolescent dans des complications sans fin.
Fedwa Bouzit
Keith Spencer Waterhouse (1924-2009) est né dans une famille de la classe ouvrière à Leeds. Écrivain, journaliste et scénariste, il fut élu à la Royal Society of Literature en 1991, l’équivalent de l’Académie française. Il a publié une vingtaine de romans et écrit de nombreux scénarios pour la télévision et le cinéma.
- Vu: 1882