Billie Morgan, Joolz Denby
Billie Morgan, avril 2017, trad. Thomas Bauduret, 391 pages, 21,90 €
Ecrivain(s): Joolz Denby Edition: Les éditions du Rocher
« Ce récit constitue mes mémoires ; la vérité, telle qu’elle existe dans mon souvenir ». Par cette simple phrase placée en épigraphe, Joolz Denby nous indique que l’on entre de plain-pied dans le récit de l’histoire de Billie Morgan, l’héroïne de son livre. Billie est née dans une famille presque ordinaire de Bradford, dans le West Yorkshire. Billie est la cadette d’une fratrie de deux filles. Elle a les cheveux bruns de son père qui a déserté le foyer conjugal. Aux yeux de sa mère, blonde décolorée, elle n’est pas féminine et « a le don de [se] faire détester ». Billie, qui doit son nom à Lady Day, la chanteuse, se demande d’ailleurs, tout le temps : « qu’est ce que j’ai fait pour que papa nous abandonne ? Pour qu’il cesse de m’aimer ? ». Une lourde et sourde culpabilité qui va marquer le destin de cette gamine de Bradford. Bradford qu’elle aime même si ça n’est pas Londres, Bradford où a vu le jour le peintre David Hockney.
Très vite Billie va commencer à fréquenter des milieux où on ne la déteste pas. Des copines de classe, elle va passer chez les hippies. Elle va connaître l’alcool, la drogue et son premier viol. Puis la musique planante fera place au « heavy metal » des bikers. Elle trouvera l’amour avec un motard mais n’arrivera toujours pas à soigner ses gros coups de blues avec la vitesse et les « speeds », et ça n’est pas les morceaux de « punk rock » des Clash comme Straight to Hell qui l’y aideront. Toujours, le Chien noir de son père, nom qu’il donnait et qu’elle donne à ses accès de dépression, planera sur sa vie. Jusqu’au jour où n’en pouvant plus, elle commettra l’irréparable sur le dealer de la bande. Elle y perdra son amour et retrouvera Bradford avec la veuve et le fils de sa victime, Natty, pour tenter de se reconstruire et de trouver la rédemption.
Ce livre n’est pas à proprement parler un thriller comme l’indique l’éditeur dans son argumentaire de presse. En effet, alors que ce genre artistique joue sur le suspense et la tension narrative pour provoquer une réaction, un frémissement (To thrill : frémir) sur le lecteur, ici ce sont les trames psychologique, sociale, anthropologique qui prédominent. Le registre est celui du roman noir. Joolz Denby y sonde les âmes au plus profond et ne nous épargne rien de la douleur des corps pour nous faire vivre une palette de sentiments les plus divers. Nous sortirions de cette lecture le physique écorché et le cœur tatoué s’il n’y avait à la fin un peu de cette douceur que peut procurer l’éloignement et une forme de méditation.
Jean Jacques Bretou
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