Bible et poésie, Michael Edwards
Bible et poésie, janvier 2016, 167 pages, 19 €
Ecrivain(s): Michael Edwards Edition: Editions de Fallois
Michael Edwards s’est intéressé au christianisme à l’âge de 19 ans. C’est alors qu’il a abordé la lecture de la Bible. Il est devenu chrétien par la suite, durant ses études universitaires à Cambridge. Il raconte avoir vécu sa conversion comme une seconde naissance.
Cet homme de lettres, ce poète, semble alors avoir entamé, en parcourant la Bible, en même temps qu’il traçait son chemin vers la foi, une véritable odyssée poétique.
Dans les premières pages de l’ouvrage, il expose sa définition, intéressante, du langage poétique « en général ».
La poésie attire l’attention sur le langage et sur le mystère des mots, sur leur capacité à créer, presque d’eux-mêmes, des réseaux de sens, des émotions insoupçonnées, des rythmes et une musique pour l’oreille et pour la bouche qui se répandent dans tout le corps et tout l’être. […] Elle brûle les apparences, elle découvre l’invisible, elle ouvre, comme une petite fenêtre ou une grande baie, sur l’inconnu, sur autre chose…
L’expérience poétique est ainsi fondamentalement assimilable à l’expérience mystique.
Exprimant l’émerveillement qui fut (et qui reste) le sien dès son premier contact avec la langue de la Bible, il s’attache à convaincre que la puissance poétique qu’il estime inhérente au message biblique, puissance qu’il ressent comme « surnaturelle », ne peut être que d’origine divine : « Les mots même de la Bible vibrent de puissance ».
La fonction poétique du langage est certes évidente, et intuitivement éprouvable par tout un chacun, dans un certain nombre de passages de la Bible, parmi lesquels le célèbre et universel Cantique des Cantiques, et aussi, ponctuellement, les citations et les transcriptions de chants, poèmes, proverbes qui parsèment le discours biblique.
Elle peut paraître inexistante au lecteur dans la majeure partie de la somme biblique, dont la forme est plus généralement et plus banalement prosaïque, et dont la modalité et les personnages ressortissent au genre du récit, souvent à la structure de conte, ou de la parabole proche de la fable à finalité morale, ou de la chronologie historique, ou de la généalogie, ou de l’hagiographie, ou de la mythologie…
La thèse de l’auteur est, d’affirmation décisive, que la Poésie est partout présente dans la Bible.
Ainsi La Poésie, étant la forme suprême et sublime du Verbe, exprime-t-il, serait l’essence même du texte biblique. Il ne pourrait en être autrement puisque le Livre est, selon la théologie chrétienne, la parole de Dieu, de qui le Verbe, d’après l’Evangile selon Saint Jean, est consubstantiel : « Au commencement était la Parole, et la Parole était avec Dieu, et la Parole était Dieu » (traduction de Louis Segond).
Dès le commencement est donc la Poésie.
« La poésie survient dès le début. Au deuxième chapitre de la Genèse (verset 23), Adam accueille ainsi la création de la femme :
Voici enfin l’os de mes os,
et la chair de ma chair.
Celle-ci sera appelée femme,
Car elle fut tirée de l’homme.
Ce sont les toutes premières paroles humaines rapportées… »
La consubstantialité de la Parole biblique et de la Poésie se révèle à l’auteur :
La découverte […] avait également pour conséquence de rendre évidente l’altérité du christianisme. Il existait autre chose dans le réel […] Pour l’atteindre il me fallait un moyen de connaissance que je ne possédais pas […] La formule même du père « I believe ; help thou mine unbelief » m’affectait comme la poésie […] La poésie aussi est étrange, car elle aussi a pour tâche de laisser entrevoir ce qui nous transcende.
La Poésie, même profane, éveille un sentiment de présence, et permet de s’approcher de l’être de ce qu’elle évoque.
Bien que l’ouvrage soit sous-tendu par l’expression par l’auteur de sa certitude du caractère sacré de la Bible et de la nature entière et définitive de sa propre Foi, il ne constitue pas, loin s’en faut, une simple thèse de théologie.
Son grand intérêt réside en ce double dessein de Michael Edwards d’expliquer d’une part la puissance verbale, deux fois millénaire, de la Bible par la nature poétique de la langue (par-delà les questions que peuvent poser les diverses traductions) qui y est à l’œuvre, et, d’autre part, de considérer toute forme d’expression poétique comme une sorte d’émanation d’une Parole Divine, et de voir un Souffle Divin en l’inspiration de tout Poète.
La thématique n’est certes pas nouvelle (les Grecs considéraient déjà le Poète comme « possédé » des dieux), mais l’originalité et l’érudition de son développement par Michael Edwards font que tout lecteur, croyant ou athée, intéressé ou non par les questions religieuses et/ou concerné ou non par les études littéraires, est susceptible de retirer bénéfice de sa lecture.
Patryck Froissart
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