Bella Italia, Un itinéraire amoureux, Christiane Rancé (par Philippe Chauché)

Bella Italia sonne comme une tarentelle, une chanson populaire italienne, qui ne nous quitte plus de la première à la dernière page de ce lumineux voyage en Italie. Bella Italia, cet itinéraire savant, savoureux et amoureux se déguste comme un Martini Bianco accompagné d’une assiette d’antipasti. Ce voyage heureux et gourmand de vie s’ouvre à Toulouse, où l’auteure y fut étudiante – De Rome, la Ville rose a pris le Capitole, et de Venise, les terrasses sur les toits, d’où l’on admire les quelque cinquante tours capitulaires qui, tels des périscopes joyeux, se dressent encore au-dessus des cheminées –, admire Gênes, fait escale à Turin et à Milan, se glisse à Venise, embrasse Florence et son exquis mélange de vie et de pierres monumentales, n’oublie évidemment pas Rome, cette éternité retrouvée, pour s’achever en Sicile. Bella Italia n’est pourtant pas un guide touristique, qui afficherait son label culturel, c’est tout autre chose : une romance inspirée, éblouie, admirative, et heureuse de cette Italie que l’auteur voit, entend, devine, admire, de ce qu’elle lit ou a lu sur cette Italie admirée et célébrée. Vous y croiserez Dante, le génie tutélaire de la langue italienne, Fernand Braudel à Gênes, mais aussi Christophe Colomb, ou encore Giovanni Agnelli – un rêve d’Italie qu’aurait signé Visconti. Un poète qui fonde une langue, un historien de la Méditerranée, cet espace mouvement, un grand navigateur, un génie de la voiture, dont les souvenirs se cristallisent dans ce livre, ce roman italien. Dans Bella Italia se reflètent aussi des visages, et résonnent des voix, celle de Maria Callas, des livres, celui de Casanova, histoire vivante de sa vie, d’un siècle qu’il embrassa et qui parfois l’assiégea, celui d’André Suarès, Le Voyage du condottière, où triomphent la langue française et l’Italie majestueuse –, enfin les peintres et les musiciens, les chapelles et les cathédrales qui les accueillent et offrent au voyageur mille échappées, mille visions, mille joies, mille frissons et au bout du compte mille romans, Christiane Rancé les garde en mémoire, et la sienne est foisonnante.

« On a chanté mille fois les collines de Toscane, leur fouillis de blés d’or, les cyprès noirs comme une ponctuation sur leurs pages ouvertes au bonheur et on ne saurait rêver meilleures bornes kilométriques que ces arbres. Les mots me viennent par la fenêtre ouverte avec l’air déjà brûlant de ce début d’été ».

Florence

« L’Ombrie vivifiée d’esprits : elfes des lacs et nymphes des sources vives, ou grands mystiques nommés François, Claire, Angèle ou Jacopone, pour ne citer qu’eux… D’ailleurs, on appelle « terre des saints, des poètes et des artistes » cette province secrète nichée au cœur de la Péninsule ».

Ombrie

Christiane Rancé sait ce que la légèreté veut dire, tout autant d’ailleurs que l’élégance, et Bella Italia est un livre inspiré et heureux, joyeux et savant, savoureux et voluptueux, léger et élégant. Ce récit d’Un voyage en Italie, d’un voyage qu’illumine tout ce qu’elle voit, entend, et découvre, est un récit lettré et inspiré où infuse l’art du roman. Bella Italia est une offrande faite tout autant à l’Italie, qu’à ceux qui par la grâce de leurs musiques, de leurs tableaux, de leurs architectures, de leurs livres, l’ont façonnée et illuminée, mais aussi à ceux que l’on croise dans cet Itinéraire amoureux, qui ont l’Italie chevillée au corps, sans oublier paysages, rivières et montagnes, places et fontaines, ciel et terre, les saints que l’auteur ne perd pas de vue et qui l’accompagnent du regard dans ce voyage aérien, offrande enfin au lecteur impatient à chaque page, d’en découvrir la suivante. C’est le regard qui fait l’écrivain, et c’est son style qui épouse ses visions, Bella Italia est imprégnée de tout cela pour le plaisir de raconter, de conter cet amour immodéré pour un pays vibrant et inspirant.

Philippe Chauché

Christiane Rancé est notamment l’auteur du passionnant Dictionnaire amoureux des saints (Plon), En pleine lumière, Carnets spirituels (Albin Michel), Tolstoï, Le pas de l’ogre, et Simone Weil, le courage de l’impossible (Seuil).