Avaler du sable, Antônio Xerxenesky
Avaler du sable, février 2015, traduit du portugais (Brésil) par Mélanie Fusaro, 178 pages, 15 €
Ecrivain(s): Antônio Xerxenesky Edition: Asphalte éditions
« Un fils qui ne savait même pas boire. Ça ne pouvait pas être un homme, un vrai. Surtout dans une ville où, selon Miguel, la sobriété est déraison ».
Ce roman parle d’un homme qui nous raconte comment il écrit un roman sur l’histoire de ses ancêtres, et en même temps ce roman que nous lisons est aussi le roman que cet homme écrit, et le roman qu’écrit cet homme démarre comme un western : Mavrak, petite ville perdue au milieu d’un désert du Far-West, sable, poussière, saloon, prostituées, une église qui a brûlé, deux familles rivales depuis des lustres, les Marlowe et les Ramirez… Un western donc, qui va finir comme un remake de La nuit des morts vivants. Sang, sable et poussière.
« Il y avait la peur. Il y avait la peur partout. Aujourd’hui, les hommes ont peur pour un rien ; autrefois ils craignaient la nuit et la mort. Même avec un révolver dans la poche. Peu importait l’arme qui pesait dans l’étui ».
L’histoire démarre par l’assassinat de Martín, le fils ainé des Ramirez et les coupables sont tout désignés. Mais les Marlowe nient être responsables de cette mort. Débarque alors un sheriff, Thornton, homme de foi et de probité, désigné par le gouvernement, pour mettre de l’ordre dans tout ça, suite à une lettre envoyée anonymement par quelqu’un de la communauté.
L’histoire elle-même ne cherche pas à être spécialement originale mais plutôt et même au contraire, à faire un beau clin d’œil cinématographique, avec des passages vraiment poétiques et pas mal d’ironie, en collant au plus près à certains styles de cinéma – ce qui explique qu’à la fin dans la liste des remerciements, on trouvera Sergio Leone, Clint Eastwood, Dario Argento et Takashi Miike, entre autres – mais l’originalité ici réside dans le fait que le livre narre aussi le processus de sa propre écriture, entre rêve et réalité, et là on ne saura pas si le narrateur fait partie de la fiction ou bien si c’est réellement un alter ego d’Antônio Xerxenesky, mais en tout cas il y a un incessant va et vient entre le western d’un côté et son auteur de l’autre, aux prises avec ses machines, à écrire et ordinateur, et ses bouteilles de tequila, ses questionnements existentiels – était-ce mieux ou pire du temps de ses ancêtres ? – son propre problème de paternité et comment celui-ci influe malgré lui sur son histoire.
« Chaque fois que le soleil pénètre à travers les rideaux, annonçant la résurrection attendue du jour, je me lève et je regarde le monde se mettre en branle – voitures qui déchirent les avenues, travailleurs en retard qui courent. Je me dis que l’époque de mes ancêtres devait être pire. Je repasse des passages de l’histoire dans ma tête. Nous vivons dans un monde meilleur. La mort, aujourd’hui, ne se trouve pas dans le moindre souffle d’air. Ni dans le moindre grain de sable ».
Parfois c’est un peu confus, chaotique, comme un saloon après la bagarre, le style est vif et efficace, comme un alcool de contrebande et les nostalgiques du Far-West y trouveront sans aucun doute bien du plaisir, et les amateurs de cinéma aussi, que ce soit le cinéma que l’on regarde ou celui qu’on se fait.
A noter, de superbes photos noir et blanc en double page et en fin d’ouvrage, une playlist musicale sélectionnée par l’auteur pour prolonger le film.
Cathy Garcia
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