Au cabaret des oiseaux et des songes – Roman d’escapades - Éric Poindron (par Philippe Chauché)

Au cabaret des oiseaux et des songes est aussi le roman d’un montreur d’histoires, comme on le disait des montreurs d’ours, les oursaillès de l’Ariège. Cet ours, a plus d’un tour sous ses pattes, il a fait plusieurs fois le tour de sa chambre, et découvert derrière les murs, d’étonnantes bibliothèques que des maçons fantasques avaient dissimulées, et il fait son miel d’histoires apparues ou musardées. L’écrivain a aussi le pied léger, c’est un marcheur, qui se glisse dans les pas de Stevenson des Cévennes enchantées, ou dans les rues des villes et villages qui lui ouvrent leurs pages gravées. Au cabaret des oiseaux et des songes se déguste par petite gorgées, comme un Armagnac, qui titille les palais curieux depuis plus de 700 ans.

« Sur la route, je prends des notes en pensées ; des notes invisibles ; des notes en silence. Des notes qui gesticulent. Les idées se font sauterelles et dansent autour de moi. »

Au cabaret des oiseaux et des songes ressemble à des poupées russes, mais ici dans ce cabaret où virevoltent mille ombres bénéfiques, les matriochkas sont des histoires qui s’emboutent les unes sur les autres. Ce roman d’escapes est aussi celui des écrivains amis, disparus ou apparus : Gilles Lapouge, Robert Louis Stevenson, Pierre Loti, Raymond Roussel, Alexandre Dumas, Borges, Joseph Ponthus, Pierre Michon et Pascal Quignard, ils surgissent comme par magie, une magie blanche qui fait murmurer et chanter les disparus et sourire les apparus. Éric Poindron est un promeneur kangourou, dans sa poche des trésors accumulés depuis des années, et qui sait des siècles, des loupes, des stylos, des coupas, des mappemondes, des cartes de France où chantent les rivières et les fleuves, des boites précieuses, des livres endormies, comme les tableaux aux gibiers, fleurs et fruits, des natures que certains pensent toujours qu’elles sont mortes, mais comme les écrivains qui font battre le cœur de ce roman, elles sont bien vivantes, derrière leur sommeil provisoire, qui trompe la mort.

« Écrire et raconter encore un oiseau délicat, un vitrail caché, un livre coi, une nature coite comme il était dit jadis, désormais appelée une nature morte – un panier de groseilles dans un chapeau de paille percé, par exemple. »

Éric Poindron est un écrivain heureux d’écrire et donc de vivre, son style, ses styles, car il en possède plus d’un ; comme un tennisman hors norme, il ignore la routine littéraire, et préfère les aventures au large ou au ras des lignes et à un souffle du filet. Éric Poindron est un écrivain heureux de nous faire partager ses découvertes, ses collections de mots et de rêves, de livres et de fantômes nonchalants ; il s’en amuse, comme il s’amuse de ses trouvailles. L’enfance ne l’a pas quitté, il continue à jouer à cache-cache, aux indiens et aux cow-boys, et aux mousquetaires du Roi, ce sont ces histoires qui s’invitent et nous invitent à une table copieuse d’aventures gouleyantes et joyeuses.

Philippe Chauché

On doit notamment à Éric Poindron : Gilles Lapouge, Robinson des improbables (avec Gilles Lapouge) – Le Passeur -, Le Fou et la Licorne, postface de Pierre Michon – Germes de Barbarie -, Le Voyageur inachevé – Le Castor Astral -, Comment vivre en poète – 300 questions au lecteur et à celui qui écrit – Le Castor Astral -. En 2017, il répondait à nos questions : https://www.lacauselitteraire.fr/rencontre-avec-eric-poindron-par-philippe-chauche