Assommons les poètes !, Sophie G. Lucas (par Sylvie Zobda)
Assommons les poètes !, mars 2018, 156 pages, 10 €
Edition: La Contre Allée
Sophie G. Lucas convoque dès le titre de son dernier recueil de poésie les plus grands. Comme Baudelaire et son Assommons les pauvres !, elle rappelle que vivre de l’écriture poétique relève du combat, le paysage littéraire laissant peu de place à ce genre. « Ecrire de la poésie de nos jours est une forme de résistance ». Le livre est un témoignage. Un Témoin (pour reprendre le titre de son précédent ouvrage édité lui aussi à La Contre Allée en 2016) de sa vie de poète.
Quatre temps organisent l’ensemble :
* Dans Ecrire, Faire écrire, elle évoque son quotidien, chez elle ou lors des ateliers d’écriture en milieu scolaire ou carcéral. La bataille de la reconnaissance, de la transmission bat son plein. Rien n’est jamais acquis. Pourtant, elle ne désespère pas.
« De petits cailloux ont été semés derrière moi. Je retrouverai mon chemin. Je reviens dans quelques mois. Semer encore quelques cailloux » (Je suis cet homme).
* Dans Lire (à voix haute), elle témoigne de son travail de représentation, ses rencontres et lectures publiques. La France apparaît par petites touches. Barre-des-Cevennes, Lille, Rochefort-sur-Loire, Villeneuve-Lès-Avignon. Des paysages, des livres, des aventures s’entremêlent.
* Résider est un ensemble de textes d’un séjour passé entre Montréal et New-York. C’est la partie la plus développée du livre. Des cartes postales riches, complétées par ses souvenirs d’adolescente, ses lectures anglo-saxonnes, la marque essentielle d’Alice au pays des merveilles de Lewis Carroll et des écrits de Jack Kerouac.
* Enfin Résister est encore plus autobiographique. Sophie G. Lucas lutte contre tous ceux qui voudraient tuer en elle l’envie et la possibilité d’écrire. Elle sort ses armes.
« A la place, j’ai acheté La Décroissance et en partant, j’ai donné un petit coup de griffe sur deux ou trois magazines. « Machin a été le dernier amour de Bidule ; Comment payer moins d’impôts ; Grèce et Espagne : les bons plans pour des vacances pas chères ».
Après avoir reposé ce recueil, il nous reste la signature de la poète (elle préfère qu’on la nomme ainsi, la poète et non la poétesse) : Son bagage de lectrice bourré de signatures reconnues, entre autres celles de Brigitte Giraud, Valérie Rouzeau, Raymond Queneau, Antoine Emaz, Bernard Bretonnière, Martin Page, Robert Desnos, Joséphine Bacon, Thomas B. Reverdy et la littérature américaine, l’importance du sujet, le basculement du « nous », « on », vers le « je », des mots simples posés sur le papier comme une couleur viendrait peindre un tableau entier, une langue au présent, des phrases bien rabotées qui distillent toute la force d’un parfum en quelques touches. Il n’y a rien en trop. La recette est maîtrisée. L’ensemble tient le bon rythme. Comme une chanson qui reste en tête, ses mots restent en nous longtemps.
Sophie G. Lucas existe et l’écrit. Les poètes existent. Heureusement.
Sylvie Zobda
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