Assis sur le fil, Cyril Dion
Assis sur le fil, octobre 2014, 80 pages, 12 €
Ecrivain(s): Cyril Dion Edition: La Table Ronde
Fondateur, avec Pierre Rabhi, de l’ONG Colibris, Cyril Dion en est aujourd’hui le porte-parole. Conseiller éditorial chez Actes Sud, Directeur de la rédaction du magazine Kaizen, il a coproduit avec Colibris un film de Coline Serreau, Solutions locales pour un désordre global, avant de tourner Demain, dont il est l’auteur et le coréalisateur avec Mélanie Laurent.
Son recueil de poèmes intitulé Assis sur le fil, aux éditions de La Table Ronde, aurait très bien pu s’appeler « sur le fil du je ».
Toile tissée, sur les tissus colorés,
Darchok, exposés aux 4 vents des cavernes intérieurs.
Je suis un, ne veut pas dire Un, « moi qui ne suis que moi seul ».
Je suis celui que je ne vois pas.
Miroir des fils des corps,
« Ciment amer
qui délimite les frontières
entre moi
et moi »
« Triste sentiment dans cette cage, triste amendement à notre ignorance.
Certains diraient que le doucereux servage
n’est que le fruit de notre assentiment ».
« D’une paroi en loques
je fis la cellule saine
Du tranchant de la lame
Je construisis l’obole
De l’instant solitaire
Je fis un rayonnement
Du doute et de la peur
Je fis la raison du chemin ».
« Nature.
Ici
Où rien n’est sale
Je renais » – Recomposition à partir d’extraits des poèmes : du corps médiatique, de corps guéri, Le corps n°17, Le jour n°2.
Je suis un, est aussi la transformation des corps en des ombres sous les lumières artificielles de la nuit, pesanteur brûlante du soleil. « Affranchi des parois claires, au contact des roches noires, de leur rugosité, prêt à plonger dans l’eau glacée ». « Les moines ne s’écrient pas plus que les pierres ne se taisent ou que les corps ne mentent ». Un lien curieux qui nous attache aux autres ! – Recomposition à partir d’extrait des poèmes : Le jour n°4, Le jour n°8
Je est un autre. « J’assiste à l’éclosion de ma pensée : je la regarde, je l’écoute… », comme l’écrivait Rimbaud, dans une lettre à Paul Demeny le 15 mai 1871.
Cyril Dion poursuit lui aussi parmi les fils parallèles l’insensé qui promet aux espoirs d’une existence déçue, d’inventer des synesthésies d’altérité. Néons multicolores sur le corps des amants qui brûlent leurs désirs dans les volutes, frissons d’image dans l’eau des caniveaux de notre existence. Noire et blanche, brillant grâce à la lune au-dessus des arbres : « L’éclat des membres percutés par les bombes, l’or salutaire, comme si l’univers était tout entier, comme, dans le vent qui secoue les blés noirs ». – Le jour n°43
Cyril Dion nous livre un très beau texte où affleure l’intime aux parois de l’être, entre corps, jour et horizon, une géographie où la nature est origine d’une appréhension, d’une découverte de la richesse des hommes : « Ballet chancelant, héroïque, qui cherche la lumière, les pieds lacés dans des chaussons de toile meurtris par les années de route et les tessons de verres… Mais rien ne saurait être plus doux, réchauffé de saveurs, attendri de bontés supplanté par les arbres et le ciel infini ».
Assis sur le fil, est le fil d’Ariane qui permettra au lecteur d’engager cette recherche de l’Autre(s) à travers le temps des transformations radicales, c’est-à-dire du temps et des images, au temps du principe des incertitudes, au temps des Un(s).
Article écrit par Marc Michiels pour Le Mot et la Chose
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