André Ughetto (par Philippe Leuckx)
André Ughetto, mai 2020, 116pages, 15 €
Edition: Le Nouvel Athanor
Né en 1942, André Ughetto se voit proposer ici une anthologie qui traverse toute son œuvre, de 1990 à 2017, sans omettre quelques pages d’inédits.
Le rédacteur de Phoenix, la belle revue de Marseille, rejoint, dans cette collection attentive aux destins poétiques effacés, des noms tels que Guy Allix, Alain Breton, Evelyne Morin… C’est l’occasion de réécouter son écriture, entre poèmes d’une « enfance première » aux lignes récentes puisées à l’insulaire Réunion. Un lyrisme apaisé, où le végétal renoue avec les aspirations les plus profondes (« forêts qui finirez/ à l’intérieur des villes/ vous avez/ converti le ciel en azur », p.31).
L’enfant qui se souvient « avoir syllabé » quand « mes parents avaient le cheveu sombre », « rassuré par leurs fables », n’a rien perdu des dons d’émerveillement qui offre au lecteur d’aujourd’hui des plages admiratives : « Tentative pour dire Alger » emprunte les escaliers anciens du souvenir (chez Bolognini, « Per le antiche scale » ; ici « escaliers jetés sur des ravins » ou « l’assiette de la mer/ qu’on vous lance au visage » (p.51).
Nous retrouvons la mer, le « Sud », Marseille, bien sûr, « dans le poumon de la pensée », les éléments bachelardiens, la mémoire parfois la plus infime qui « égrène tôt/ le chapelet de ses regrets », les enfants (dont le jeune Raphaël) s’amusent au jardin tandis que le poète consigne nappes de soleil, perroquet accueilli à la lumière du balcon, « les voix d’une colline à l’autre » (dans un ton pavésien) ou encore les surprises notées au fil d’un quotidien attentif à bien dire « le bleu martelé/ sur le ciel le plus pur ».
L’Estaque, les lointains, la nature offrent ainsi des plongées de mots au cœur même de l’azur :
La « maison sur la colline » des père et grand-père résonne encore de ses bruits familiers comme si le temps mis entre parenthèses rameutait intacts « son visage sillonné de rides vermeilles » ou « nos jeunes jambes de cousins » ou encore cet « enfant roi qui cherche le sommeil ».
Dans une écriture qui adopte naturellement la durée, le rythme en de nombreux vers qui s’enchâssent, le poète du sud ramasse ses pépites, sans oublier de cerner au plus précis de la description comme dans « la forêt des chênes lièges/ Sous le ciel blanc tout en sueur/ Avec douceur les Muses plaignent/ L’arbre pour lors baigné de pleurs », avec cette teinte mélancolique, veinée d’amour pour les siens – gens et paysages.
Philippe Leuckx
André Ughetto est un poète et critique français, né à L’Isle-sur-la-Sorgue en 1942. Il collabore à Phoenix (comme avant à Sud et Autre Sud). Il est l’auteur d’une dizaine d’ouvrages : Qui saigne signe(1990), Rues de la forêt belle (2004), Edifices des nuages (2015)…
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