Alpe du Grand Serre, Christophe Lamiot Enos
Alpe du Grand Serre, 2015, 5 €
Ecrivain(s): Christophe Lamiot Enos Edition: Passage d'encres
Ce qu’on entend en lisant ce petit opus de Christophe Lamiot Enos c’est un chant, une musique d’eau qui court sur les pages et délivre « ses voix plurielles » dans la musique de mots, héritée de l’enfance, peut-être même sortie des contes, Pierre et le loup, ou d’un album du Père Castor, nous dit le poète, et qui appelle pour que « nos forêts soient musiques ».
Oiseaux, non ? plumes d’oiseaux, légèreté de l’air, envolées de plumes, tourbillons de mains fendant l’air, tourbillons de feuilles et autant de souvenirs sauvés de l’oubli volent et chantent, enchantent le langage.
Dans l’obscurité ou dans la clarté du jour, dans le silence ou dans la lumière des mots, l’avancée de la mémoire se fait en pente douce, au milieu de forêts obscures et des bruits d’eau qui dégoulinent sur les feuilles. L’eau à travers l’espace et le temps se fait flocons, cristallise l’anamnèse, au milieu des années perdues. Allonger le pas sur les chemins, prudents, parmi les piques du « hérisson », descendre à la source sans craindre le chemin épineux, non pas de ronces mais souvenirs vivants qui bougent, s’animent tel ce petit animal convoqué. L’oiseau, libre, vole, s’envole de branches en branches, transporte le message du poète, transporte la lumière, le soleil, l’avancée des nuages, au-dessus des arbres, et nous enlève au-dessus du tout « que neige porte ! »
Maintenant c’est une mésange, au-dessus d’une maison, les souvenirs se font plus précis, quand dans le même temps, la langue se disloque :
la forêt entendre
ruissellement rousseur que ce bruit
le « tournant aux feuilles »
Reviennent éclatées, les mêmes paroles qu’au début, accolades de mots déjà rencontrés, ressassement mémoriel, la mémoire s’organise et livre le dernier poème, limpide comme de l’eau :
Vers les feuilles, sur le sol
lentement, nous avançons
noir soleil. Tu sautilles
vers les feuilles la neige sur le sol
bougé. Lentement, nous avançons
noir soleil, dedans. Toi tu sautilles
vers les feuilles de neige. Revient sur le sol
le bougé. Lentement que nous avançons
noir soleil, dedans, dehors. Toi, tu sautilles.
Ainsi le poème se construit au plus près du réel dans une traversée du temps et de l’espace qui n’a pas de limites, qui n’a pas de frontières, le temps d’hier et celui d’aujourd’hui se rejoignent pour faire naître le souvenir, sa transcription par la grâce des mots.
Marie-josée Desvignes
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