Ainsi parlait James Joyce (par Didier Ayres)
Ainsi parlait, James Joyce, éditions Arfuyen, septembre 2023, trad. anglais, Mathieu Jung, 192 pages, 14 €
Définir l’artiste
De manière très générale, j’ai retenu de cette suite de Dits et de maximes de vie de James Joyce une réflexion pertinente sur l’artiste – car je fais pour ce qui me concerne une différence entre « homme de lettres » et « artiste », aimant surtout chercher l’art dans la littérature. Et cette définition sur laquelle revient souvent Joyce, l’a visiblement hanté toute sa vie. Et cela, par un effort violent pour rendre son inquiétude profonde, au sujet de son étantité, de sa foi pour continuer à écrire dans l’opiniâtreté d’un découvreur de formes. Ainsi Joyce considère le texte comme une expérience. Expérience soutenue chapitre après chapitre, strophe après strophe, phrase après phrase, mot après mot, l’œuvre devant être supérieure à l’être ; et cette perfection est stupeur.
La poésie, même lorsqu’elle est apparemment la plus fantasque, est toujours une révolte contre l’artifice, une révolte, en un sens, contre ce qui est.
Je crois que l’artiste ici dans cette traversée figure un être à côté, une sorte de personne hors classe, un être qui à la fois subit et manifeste l’altérité, qui est sans doute très ambigu. Ambiguïté faite d’une grande connaissance de la part double de soi, dualité du gouffre et du néant, du couple détruire-construire. L’œuvre doit être souveraine, elle est vie, elle s’appuie sur la bizarre conscience du monde de l’artiste, assumant paradoxalement l’époque tout en la dépassant.
Il faut être humble pour apprendre. Mais c’est la vie qui enseigne les grandes choses.
Ou
Ferme les yeux pour voir.
Et j’ai lu ce livre un peu à la manière d’un « poisson soluble », s’attachant à réitérer une question : qu’est-ce que l’artiste ? Le pêcheur justifie sa pêche par le poisson… Et pour réponse temporaire, j’ai pris dans cet ouvrage la double somme de langage girante dans le ciel de la littérature.
Il est possible que l’illusion que je nourris concernant mon pouvoir soit anéantie par des circonstances défavorables. Mais l’illusion qui ne me quittera jamais, c’est que je suis artiste par tempérament.
Didier Ayres
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