Aimer et laisser mourir, Jacques Olivier Bosco
Aimer et laisser mourir, septembre 2012, 272 pages, 18,50 €
Edition: JigalLa mondialisation du crime organisé devient une affaire de géopolitique. De Nice à Bogotá, de Paris aux confins de Zagreb, on trafique de la drogue, des armes, de l’humain, on vend du sexe, on aime, on tue et parfois aussi, on laisse mourir.
Amanda et Lucas Beauvaux, surnommé « Le Maudit », les deux principaux héros du roman, vivent à des milliers de kilomètres de distance et rien, a priori, ne devrait les amener à lier leurs destinées… et pourtant…
Amanda est une pute de luxe, véritable bombe sexuelle de vingt-cinq ans, « associée » à Pompom le Corse, propriétaire de restaurants, de bars et de parts dans des casinos, solidement implanté, lui et sa bande, à Paris. En « mission » à Nice, elle se fourvoie dans un règlement de comptes de proxénètes Croates et ne sauve sa peau, in extremis, qu’en tuant l’un des malfrats. Manque de chance, il s’agit du jeune frère de Tchek Mordeck, l’un des principaux pontes du TEH (Trafic d’Etres Humains) dans les Balkans. Le Croate a la vengeance tenace et la vie d’Amanda ne tient plus qu’à un fil. La sienne ou à défaut, puisqu’elle arrive à leur échapper, celle de sa jeune sœur Mira, tombée en représailles entre les mains de ces esclavagistes du sexe. Amanda n’a plus qu’une idée en tête : sauver sa sœur, et ce, par tous les moyens possibles.
Lucas, trente ans, Français exilé en Colombie après l’assassinat sur le territoire national d’un homme haut placé, est un tueur à gages embauché par un avocat véreux de Bogotá, afin de défendre les intérêts d’une clientèle pourrie jusqu’à la moelle. Dans son sillage traîne une odeur de soufre. « Le Maudit » a gagné son surnom au fond de la jungle colombienne auprès des escadrons de la mort, les AUC (Autodefensas Unidas de Colombia), et n’est pas regardant sur les contrats qu’on lui propose, à une seule condition : ne pas tuer de femmes ou d’enfants. Dès lors, les contrats de plus en plus tordus s’enchaînent, qu’il exécute avec un professionnalisme froid, sans état d’âme. « Le Maudit » est pris dans un engrenage de violence, mais le pire n’est pas encore arrivé.
Amanda aura besoin des services de Lucas pour retrouver sa sœur… Un nouveau job, un simple contrat pour le super tueur, un de ceux dont il est devenu l’expert en titre ou le début d’une torride histoire d’amour ? Les deux, peut-être… ?
Derrière des airs affranchis, des vies en rupture de ban, chacun trimballe ses casseroles, ses déchirures, et leur rencontre, au-delà de l’attirance sexuelle, est sans doute la dernière possibilité, pour l’un comme pour l’autre, de recoller les morceaux et de donner un sens à leur existence.
Le récit, richement documenté sur les organisations criminelles, est mené à un train d’enfer, dans un style simple et hyper efficace. Les mots sont choisis avec soin et font mouche, en particulier lors des scènes apocalyptiques de tueries et de sévices. Jacques-Olivier Bosco n’épargne rien ou presque à son lecteur. Il faut avoir les tripes bien accrochées pour ne pas blêmir aux scènes les plus violentes du livre. Une écriture très visuelle qui puise ses références cinématographiques auprès des meilleurs (John Huston, Jean-Pierre Melville etc.). Le roman fait également la part belle à la psychologie des héros qui se révèlent au fil des pages moins manichéens qu’il n’y paraît de prime abord. Personnalités fouillées avec profondeur et sensibilité ; un plus, que l’on apprécie à sa juste valeur.
Et puis, il y a en toile de fond du roman les amitiés viriles, le code de l’honneur de « la profession », le sens de la parole donnée, la fidélité aux liens de sang ; autant de thèmes chers à José Giovanni que Jacques-Olivier Bosco a connu de son vivant.
Un livre coup de poing, magistralement mené, qui tient le lecteur en haleine jusqu’au dénouement final que bien peu auront su deviner.
Catherine Dutigny/Elsa
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