Adam et Thomas, Aharon Appelfeld
Adam et Thomas, traduit de l’hébreu par Valérie Zenatti, illustré par Philippe Dumas, 151 pages, 15 €
Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: L'école des loisirs
Premier livre pour enfants d’Aharon Appelfeld, Adam et Thomas est une fable sur la guerre et la persécution, le versant pour enfants de l’histoire d’Aharon Appelfeld lui-même qui a vécu, enfant, une longue période dans la forêt pour échapper aux traques nazies.
Cela commence comme un conte : la mère d’Adam entraîne son fils dans la forêt avec un sac plein du minimum vital. Avec la consigne de s’arranger pour la journée, et d’aller se cacher chez une certaine Diana si sa mère ne revient pas le chercher à la nuit. Mais la forêt n’est pas hostile : « N’aie crainte – lui dit sa mère –, tu connais notre forêt et tout ce qu’elle contient » (p.7). Ce sera l’antienne qui traversera tout le livre, ressassée par Adam.
A la nuit, au lieu de chercher refuge chez Diana, Adam fausse le cours des choses (?), préférant faire confiance à son destin et aux ressources de sa chère forêt, avoir confiance en le retour de sa mère, y croire.
Et voilà qu’il rencontre Thomas, à la fois son alter ego et son contraire, l’autre part de lui-même, lui aussi caché dans la forêt par sa mère. L’un croit en l’humanité, en la réflexion, en l’esprit, l’autre en son étoile ; l’un n’est pas croyant, l’autre l’est. Ils sont les condensés et les rapporteurs de la parole paternelle.
Les enfants bâtissent des nids au sommet d’arbres accueillants, s’enfonçant de plus en plus dans la forêt. Ils voient ainsi, de haut, passer un chien blanc magnifique, puis des fugitifs et enfin des blessés traqués par des soldats allemands qui les tirent comme des lapins. Puis, vient les trouver Miro, le chien noir bâtard, d’Adam, avec au collier, un message de sa mère. Alors que la famine les guette, une petite fille de leur classe, cachée chez un paysan, les ravitaille, premier ange de leur vie forestière. Cetange sera suivi d’un autre, un paysan qui dépose de la nourriture et une toile cirée afin qu’ils ne meurent pas de froid et s’abritent des pluies glacées. Le troisième ange sera le médecin russe d’un hôpital de campagne.
Tout finit bien pour les deux enfants, mais là n’est pas l’essentiel. Plus qu’une histoire pleine d’oppositions : chien blanc/chien noir, méchants et profiteurs/anges et justes, intelligence/foi, nature/civilisation, ce livre permet aux enfants d’interpréter et d’interpénétrer leurs expériences, leurs constatations. Leur vue du haut de l’arbre est plongeante, ce qui les incite aussi à voir les choses différemment, sous un autre angle.
Réflexion sur l’appréhension du monde, de la normalité de la vie, du comportement humain, de l’approche du spirituel et de l’animal, de l’anima.
Anne Morin
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