A propos de "Galaxies intérieures" d'Anise Koltz
Galaxies intérieures, Anise Koltz, ed. Arfuyen, octobre 2013, 10 €
Dilatation
Je m’arrête un instant dans ma lecture de ce recueil de poèmes de la poétesse luxembourgeoise Anise Koltz, qui publie un nouveau livre chez le très bon éditeur Arfuyen, pour chercher un équilibre entre les différents sentiments et diverses notions que me donnent les poèmes. Ils sont écrits, on le ressent, au-devant d’une réflexion mature au sujet de notre issue terrestre à tous, plus ou moins brève pour chacun. Oui, je fais une pause pour rassembler mes idées et éclaircir mes pensées. Car c’est bien de la pensée dont il s’agit là, peut-être plus que de langage – même si l’écriture de ce texte est d’une clarté de cristal. Or, pour le cas des idées, il faut se frotter au monde de l’abstraction et ne pas simplement laisser « chanter » le langage. On doit, et je me dois à mon tour, de mener une activité spéculative, et c’est fort plaisant.
Les idées de l’écrivain luxembourgeoise évoquent la généralité de la condition humaine, ou encore la possibilité pour la femme de plume de jouer avec son ombre – allusion à Peter Schlemihl, et de ce fait à la culture allemande ? –, avec les planisphères, de jouer avec le vide et la mort en quelque sorte. On y voit un jeu de concept parfois assez complexe, par exemple lié à ce que je pourrais appeler la théologie positive, dans le sens où Anise Koltz ajoute en même temps qu’elle réduit son poème à une pureté et une concision de style. Nous sommes donc en présence d’un texte à la fois énigmatique et sobre.
D’où suis-je venue ?
Je suis simple
et électrique
Quel esprit m’a donné
mon esprit ?
Et même si le langage a des facilités supérieures pour donner jour à des idées, il faut quand même une clarté d’esprit. L’imagination voyage dans le discours abstrait, comme une empreinte légère que seul le poème, et ici sa concision et étonnamment son fracas, sont capables de rendre possible la traversée de cette tension spéculative.
Dans mes poèmes
le soleil ne pénètre pas
Il y règne
une lumière polaire
glaciale
aiguë
Qui aveugle
comme un laser
Univers désincarné, perception presqu’un peu clinique, qui opère en lui-même sa propre justification grâce à un vocabulaire sans image. La question du poème est entière ici. Par exemple avec ce poème de neige :
Après les chutes de neige
plus rien ne bouge
Sous ce gisement
de blancheur
le silence
devient si épais
qu’il crève nos tympans
Le poème est de cette sorte, brûlant, comme la neige parfois, pour celui qui la porte, enveloppant la réalité qu’il cherche à saisir, se sachant toujours menacé de disparition, de perte, de balancement dans le néant. Comme en cet autre instant :
Mes mains
sont sans géométrie aucune
mais le monde entier
est inscrit
dans mes paumes
Pour conclure, je dirais que Galaxies intérieures est un grand moment de dilatation – d’ailleurs les sciences physiques admettent que les galaxies se dilatent. Cette poésie blanche, qui emplit et agrandit le réel tout en le comprimant dans la force efficace de courts poèmes presque japonisants, dénote et fait la preuve que cette recherche surgit du fond de l’âme, et repousse les dimensions communes de notre perception des choses jusqu’au monde si ductile de la contemplation.
Didier Ayres
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