52.dimanche (XXXVI)
le clair et l’obscur
obscurité, pensée ici comme ce qui disparaît, ce qui est retiré, ce qui n’est pas la partie claire, la partie visible, la densité de la littérature
cela, d’ailleurs, revient à modifier sa propre personne, car c’est en cherchant dans l’épaisseur – donc dans l’obscurité – que l’on trouve quoi dire – et qu’on laisse là sa personne, sa dépouille parfois
donc, le clair, l’apparent, le visible, le su
l’obscur, la profondeur, l’ambiguïté, la peur, l’angoisse
écrire se formule entre ces deux extrémités, car la lumière n’existe pas sans l’ombre, et il faut dire clairement l’ombre pour ce qu’elle est, et taire parfois ce que l’on comprend de la lumière ; d’où cette double nature
par exemple, le premier soleil blanc de septembre, qui vient toucher la page que j’écris, je ne dois pas le laisser à part dans mon monde intérieur, il faut que je l’inscrive pour qu’il devienne visible, et que je cherche en même temps la formule la plus limpide, la plus transparente pour en rendre le corps, la physionomie
car pour finir, on n’écrit jamais autrement que depuis sa propre obscurité, cherchant là où l’on peut, loin ou près, avec cette ténèbre que nous sommes à nous-mêmes
de fait, ce qui est le plus difficile, ce n’est pas ce qui s’arc-boute en soi, mais cette angoisse qu’il faut ensemble refuser et guérir, et laisser là l’inquiétante étrangeté, si fameuse, à sa manifestation première, qui se communique à l’ignorance de ce que l’écrivain sait de ce qu’il écrit, de son aveuglement, de sa part non sue
le débat reste ouvert
lumière, soi, l’esprit, écrire
Didier Ayres
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