52.dimanche (XXXIII)
le différé
cette chaude journée d’été me trouve peu à l’écoute, distrait, ensommeillé comme on l’est parfois par les jours d’orage
ce qui me peine d’ailleurs, ce n’est non pas le fil de la plume mais la difficulté architecturale d’imaginer la lettre dans son ensemble
si la question se pose à moi depuis longtemps (et se pose pour beaucoup), à savoir si le texte n’est pas construit par avance – sur le mode occidental – ou déjà imaginé et donc simplement à restituer – sur le mode oriental –, il reste la nécessité de différer, de gérer le moment de l’écart, de disposer de l’intervalle
en un sens c’est une espèce de procrastination, donc une conduite à deux attitudes opposées
tout d’abord, la confiance en soi, car l’on sait que l’on ne gardera pas tout et que ce qui est mal fait disparaîtra dans la version définitive
et ensuite, l’inquiétude d’avoir fabriqué, d’avoir quelque chose d’intangible devant soi
c’est pour ça que le différé est nécessaire
pour dire simplement les choses, je fabrique un ouvrage, qui a ou n’a pas prise sur le réel pour le lecteur, qui reflète ou ne reflète pas mon monde intérieur
car on n’écrit pas pour soi-même mais vers autre chose
pour finir avec grâce, permettez-moi d’évoquer la relecture de L’homme approximatif du grand poète dadaïste que tout le monde connaît, et qui a une très belle tombe à Montparnasse, un grand rectangle de pierre entièrement couvert de lierre, une pierre très simple
Didier Ayres
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