52.dimanche (XXXII)
la coupure
ce mot, coupure, est important à plusieurs titres, car il est synonyme de repentir, mais aussi d’interruption, ce qui lui donne une belle étendue
la coupure dont je veux parler est donc à prendre dans ce sens protéiforme, son épaisseur, à laquelle j’ajouterai si vous le permettez, l’interstice – que j’essaierai d’évoquer un autre jour
cette ouverture, cette petite cicatrice spirituelle est souvent à l’œuvre ici dans le programme de cette lettre, et mon intérêt aujourd’hui de vous en parler revient à activer l’exigence et le souci de l’écrivain pour cette sorte de fracture au milieu même de sa parole, qui conduit à soustraire et couper
il existe cependant des littératures réalistes, dont les motifs sont sujets à des enquêtes et des couches successives d’investigations
même dans ce cas il s’agit d’un feuilletage en quoi réside encore tout le mystère que je tente d’approcher pour vous, afin d’éclaircir la nature exacte de ce léger décalage entre la formule écrite et ce qu’elle contient – et ce qu’elle ne contient pas aussi d’ailleurs
c’est ainsi que je parle de coupure
par exemple dans le continuum de l’espace-temps, où l’acte d’écrire revient à couper le flux où ensuite il faut saisir les vibrations, entre l’idée que l’on veut développer et les contraintes stylistiques
et encore, s’obliger à rester ouvert, pour que la lecture ne pétrifie pas la totalité de l’écrit, c’est-à-dire le mélange complexe de la chose écrite et de son évocation
c’est une façon d’opérer assez silencieuse, à la manière peut-être de la mesure d’une gravité, d’une poétique, explorer la limite noble du temps et de la mort
coupure, écartement, petite mort
Didier Ayres
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