52.dimanche (XXIV)
fabrication
pourquoi ce mot ?
car je conçois l’écriture de cette page, tout autant que le reste de mes activités d’écriture, comme un métier d’écrire (ainsi qu’il y a un « métier de vivre »)
donc, écrire est une fabrication, un laboratoire ambulant, un exercice, une pliure, un rapport avec le brouillon, l’encre, la macula, comme la musique, d’ailleurs, qui agit avec des choses flottantes et qui, cependant, se fonde dans le silence des matières
il y a donc une part d’obscurité dans cette puissance que l’on porte en soi, force de la « technè » platonicienne, si je peux dire
cette opération dont je parle, l’affaire de l’écrivain, est suspendue à la fois à des techniques et à du recul, sans que l’on puisse se départir d’une certaine froideur pour ce que l’on écrit, alors qu’en même temps, il faut évoluer dans une demi-pénombre, celle des recherches intérieures, richesses dont l’exploration coûte une vie
tout ce que je dis est très banal, mais c’est ce premier mot de fabrication qui conduit cette page, et je suis moi-même, comme elle, tendu vers l’extériorité de la technique, et je ne peux mieux écrire sur cette tâche qu’en décrivant la banalité de la ligne d’écriture – qui comptait tant pour nos anciens maîtres d’écoles où, pour ma part, j’étais toujours tributaire de la plume et de l’encrier
néanmoins, il ne faut pas trop de matière, et l’équilibre est difficile parfois
je veux dire que fabriquer est la part la plus invisible de ce qui revient au lecteur, si l’on ne poursuit pas le but de montrer le chantier de l’écriture – idée historique
il faut donc s’accommoder de l’imperfection, des dégâts imprévisibles d’une citation, du mystère aussi des formules
tous les arts ont leurs basses œuvres et il ne reste que la consolation d’une impossible issue comme viatique
je vous remercie encore une fois, et je suis désolé pour le désordre bien involontaire de ces lignes, mais je suis légèrement souffrant et bien peu habile aujourd’hui
Didier Ayres
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