52.dimanche (XLVII)
le chemin
permettez-moi d’emprunter le chemin au vocabulaire du promeneur, à différents titres
dans un premier temps, à cause de l’idée de quête, de but à atteindre qui sous-tend l’idée du chemin, sa traversée, ses paysages
puis, comme il fait coupure dans le bois ou dans la prairie, ses caractéristiques de séparation, de pont, le rapprochement que j’avais hier à l’esprit, en pensant au sujet qui m’occupe maintenant, me laisse la liberté de voir en ce chemin comme un trait, un trait peint, à l’exemple de ce style dont dissertent les manuels de peinture du 17ème siècle
en effet, cette séparation entre ce qui est la figure et ce qui ne l’est pas, tend à resserrer une forme contre un espace, autour d’une idée, une ligne qui dit parce qu’elle sépare
c’est la même chose avec le chemin, qui n’existe que par le moment haut où il est traversé, dans sa nature de coupure
écrire ressemble à ce chemin, car la réalité que découpe le chemin est cette réalité-là que découpe l’écriture
écrire est un effort de coupure, non seulement au sens propre, afin de retrancher pour parvenir à une phrase assez pure, mais aussi comme prise soudaine du réel dans une qualité qui en vérité ne lui appartient pas, de fait
ce faisant, le réel se mélange au langage pour l’augmenter de sa formule – et peut-être inversement
mais le chemin aussi, comme le sait si bien la peinture chinoise de montagne, est un espace qui ouvre la voie à la parole, qui pousse à discourir, sur le ciel, sur la terre, ou encore sur l’immobilité
pour ma part, je suis attiré par le pli, la pliure, la figure pliée, car j’y vois une opération physique d’un ordre métaphysique
dans cet ordre d’idée, le chemin sert moins la forêt que l’amitié du promeneur en sa vision d’homme qui passe
car nous ne sommes que des passants dans le choix du langage, hanté par la poétique de ce petit bétail qui paît le champ, et vient pour finir évoquer l’atmosphère bucolique de certains poèmes
Didier Ayres
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