52.dimanche (XII)
dimanche 18 mars 2012
épaisseur et transparence
1. opacité
oui, car écrire, en un sens, manque toujours son but, par son métier même qui est de faire valoir le réel
elle épaissit, par exemple, le moment de silence devant la fenêtre et le soleil de huit heures qui brille faiblement sur la ruelle humide
elle, l’écriture, rend épaisse cette ruelle, tout en la faisant exister, et me permet de déduire la beauté de ce moment, qui n’a de sens que par le destin complexe d’une phrase
c’est ainsi que j’entends l’épaississement, l’opacification, comme l’existence surnuméraire qui dit la pluie et le soleil blanc de la matinée
mon opinion est générale, à savoir que l’idée existe avant qu’elle soit écrite, ce qui revient à débusquer cela en quoi le réel va dans l’idée, épaissi pour ne pas dire noirci, mais augmenté
augmenter, voilà, le terme est mieux choisi
doubler, améliorer, valoriser le réel par la nature ambiguë et labile du langage substantifié
2. la clarté
j’en viens à la clarté et cette fameuse citation de Boileau qui en est l’ombre tutélaire
écrire clair, écrire clairement, c’est ainsi que l’on comprend clairement, comme une clarté dévouée à faire d’elle-même sa propre réalité, comme on pourrait faire la lumière dans une enquête
cependant la clarté est souvent obtenue par la simplicité d’expression et correspond bien aux choses simples, roses, soleil, horizon azuré du crépuscule, etc.
ce qui revient à dire, en somme, qu’éclaircir – rendre clair – augmente de facto l’esprit de ce soleil ou de ces roses, lequel est subordonné à l’activité d’inquiétude qui est celle d’habiller la nudité du réel
écrire clair, c’est le plus difficile, car cela oblige à peu de mouvement, à des parcours assez stricts dans l’écoulement du syntagme, et une justesse dans les possibilités de la lexicologie
écrire pour dire l’espacement, l’intervalle avec la ruelle et son petit monde printanier
écrire, en somme
Didier Ayres
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