52.dimanche (VIII)
ce dimanche 19 février 2012
suspendre
une lettre de Didier Ayres
laissez-moi disserter encore un peu de l’activité d’écrire qui est, à mon sens, un moment spéculaire, une manière de réfléchir sur l’activité alors qu’elle est effective
et même si je suis pris par la belle lumière bleue qui éclate dans la ruelle ce matin, il ne m’est pas impossible de regarder par-devers moi, pour rédiger cette épître
oui, comme si c’était purement absolu
une activité dévolue à se reconnaître elle-même, pour elle-même, accompagnée, ici, d’une part de réel, comme est cette petite lueur matinale de la rue, comme la trace d’un objet physique autour duquel tournent l’esprit, la pensée et l’écriture de la pensée
là est le vrai secret de mon effusion, être en suspens en soi, avec la part vive et dense de la réalité, une vision au-dedans qui s’exerce parce que justement elle fait exercice
je songe à l’instant aux photographies insolites de Philippe Ramette, qui se dépeint « in situ » dans des positions volontairement déséquilibrées, dans des poses impossibles, et qui ne travaille pas, à ma connaissance, avec des outils informatiques, ce qui laisse entendre qu’il prend des risques
mais, c’est peut-être le moment contemporain que nous vivons tous en quoi passe la construction abstruse de la réalité, comme pour en révéler l’alchimie, en redire le mystère et l’impossibilité de la définir, avec, en vue, la difficulté d’un éclaircissement
néanmoins écrire souligne l’énigme, et approfondit davantage le cours de l’empirisme du réel
en ce sens cette lettre contribue à construire une image, un faisceau de faits qui forme une escorte linguistique nécessaire à la reconnaissance de ma propre ipséité, donc avec l’espoir de communiquer
c’est pour dire, que c’est un moment de lutte dans l’obscurité de la réalité ayant pour soin, difficile, la volonté de la rendre intelligible
réalité de la ruelle, donc, qui se défait avec écrire la ruelle
Didier Ayres
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