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La falsification de l’Histoire, Eric Zemmour, l’extrême droite, Vichy et les juifs, Laurent Joly (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Jeudi, 17 Mars 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Essais, Grasset

La falsification de l’Histoire, Eric Zemmour, l’extrême droite, Vichy et les juifs, Laurent Joly, Grasset, janvier 2022, 133 pages, 12 €


Il faut bien qu’on finisse par entendre, derrière le sinistre brouhaha actuel, la voix de l’Histoire. Pas seulement ponctuellement après des « propos », ou vagues et bavards débats. Pas seulement par des commentaires désolés, pour autant infatigables dans les réseaux sociaux. Ce n’est pas là, temps de l’Histoire. Il faut le temps d’un livre, et le travail de démonstration précise d’un historien de métier, qui plus est, spécialiste de la période tant « revisitée » par Eric Zemmour, la seconde guerre mondiale et Vichy. Car, « jamais, en cent cinquante ans, dans notre république, à la veille d’un scrutin majeur, l’extrême droite n’aura semblé aussi forte, n’aura fait autant de bruit. Rarement, en période de paix, le système politique national n’aura paru aussi fragilisé ». Constat de départ de Laurent Joly.

Blond comme les blés, Sjón (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Lundi, 07 Mars 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Métailié

Blond comme les blés, Sjón, éditions Métailié, janvier 2022, 119 pages, 16 €


100 pages pour se souvenir – exactement parallèle à la lecture – que les pays du Nord ont recelé, et subissent encore nombre de groupuscules d’activistes d’Extrême Droite, et autres engeances néo-nazis. 100 pages pour que l’Histoire la plus noire de l’Europe contemporaine sonne à notre mémoire : le Nazisme en marche était – aussi – un monde industrieux, minutieux dans le travail, un monde d’ingénieurs/ouvriers passe partout, qui avançaient la besogne à l’ombre de cahiers des charges dûment remplis, dont celui de la Shoah elle-même ! 100 pages, pour enfin clignoter sur notre actualité la plus brûlante, celle des populismes en action, et des propos inouïs de candidats à des présidentielles sur des terres de longue tradition démocratiques dans la vieille Europe… immanquablement, c’est un autre blond comme les blés qui s’invite en sinistre mémoire, cet Anders Breivik qui faucha 70 jeunes travaillistes norvégiens l’été 2011.

La Carte postale, Anne Berest (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 26 Janvier 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Roman, Grasset

La Carte postale, Anne Berest, Grasset, août 2021, 512 pages, 24 €

Roman ? Récit autobiographique ? Ou alors essai, et bien plus recherche historique racontée par une documentariste de haut vol ? On se prend à penser aussi : archéologie d’une lignée, enquête. Mais quelle lignée que ces Rabinovitch, Juifs Ashkénazes d’Europe, quelle enquête sinueuse, longue et difficile, de l’après-première guerre mondiale à nos jours ; et quelle archéologue qu’Anne Brest, la descendante, se percevant si peu juive, tellement laïque et intégrée à son sol, mais – oui – juive avec majuscules, par le lien, l’histoire et finalement la culture au bout… On suit donc une démarche, à travers une histoire effarante, pour beaucoup d’entre nous, inouïe.

Le titre – passe partout, modeste – qu’elle a choisi, « la carte postale », est le fil rouge de la recherche, clignotant dans l’immense histoire racontée, tel un signal constant, mais sans éblouissement aucun ; une veilleuse, bien plus sûrement. Anne est celle qui raconte sa famille – première partie du livre, dont on sort sonnés – puis parle depuis son quotidien – seconde partie, enquête encore, d’une autre eau, non moins intéressante.

Les mythes fondateurs de l’antisémitisme de l'Antiquité à nos jours, Carol Iancu (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Vendredi, 14 Janvier 2022. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres, Essais

Les mythes fondateurs de l’antisémitisme de l'Antiquité à nos jours, Carol Lancu, Editions Privat – 2003 – 23 euros

Ambitieux, et certains de s'interroger : un peu prétentieux, le sujet ? Mais l'auteur est professeur titré et compétent en histoire contemporaine à l'université, directeur de l'école des hautes études du judaïsme. C'est donc pour un sujet pareil – himalayen – l'homme qu'il fallait, capable de présenter à un public multiple et pas forcément historien, avec clarté, ce qu'il faut connaître du phénomène empoisonnant le monde depuis la nuit des temps. Ce livre dense, remarquablement synthétique, organisé à la façon d'un cours passionnant, avec ses repères faciles à consulter, est une boîte à outils se lisant quasi comme un roman.

Si, d'accord en cela avec Jules Isaac, il n'y eut pas « d'antisémitisme éternel », Il y eut un antijudaïsme païen très tôt dans l'Antiquité ; les Egyptiens regrettaient des coutumes par trop différentes, et pensaient les juifs « descendants de lépreux » ; il y avait déjà une diaspora, et l'allusion au « meurtre rituel » est chez Démocrite, tandis que l'antijudaïsme fort présent à Alexandrie, est de là, passé dans le monde romain – Tacite, par exemple. Globalement, on perçoit partout l'étrangeté ressentie par les religions polythéistes face au monothéisme.

À la folie, Joy Sorman (par Martine L. Petauton)

Ecrit par Martine L. Petauton , le Mercredi, 24 Novembre 2021. , dans La Une CED, Les Chroniques, Les Livres

À la folie, Joy Sorman, Flammarion, février 2021, 288 pages, 19 €


Le titre d’abord, qu’on peut lire avec des sens différents : est-ce de la part de l’auteure un j’ai aimé à la folie mener cette enquête ? ou bien a-t-elle dédié ce livre à la folie et à tous ceux qui à divers titres ont affaire aux pathologies mentales, dans le secteur fermé d’hôpitaux psychiatriques ? Sans doute les deux, à l’issue (mais peut-on parler d’issue au retour de telles enquêtes ?) des mois passés dans deux hôpitaux-immersion d’un genre inédit, auprès des soignants, patients – tous différents – dans des lieux pour le moins à part, notamment le pavillon 4 B, et ses 12 lits et une chambre d’isolement. Il faut aussi dans le lot compter l’auteure car, même si elle se présente dans les lieux comme journaliste, ce qui diffère de bien d’autres investigations « en caméra cachée », elle revendique les postures, émotions, pensées d’un humain venu du monde dit « normal » chez « les fous ». Elle nous emporte du coup avec elle dans cette aventure à l’intérieur, nous évitant ce regard extérieur, voyeur, et vaguement protecteur, qu’on lit ou regarde tant ailleurs.