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Science-fiction

Le Sentiment du fer, Jean-Philippe Jaworski (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 09 Mars 2022. , dans Science-fiction, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles, Folio (Gallimard)

Le Sentiment du fer, Jean-Philippe Jaworski, février 2022, 272 pages, 7,60 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Dans la préface au présent recueil de nouvelles, Jaworski cite et complète Tolkien proclamant que « la fantasy est une littérature d’évasion, non de fuite ; c’est également une littérature de la consolation, c’est-à-dire un havre imaginaire qui permet de se réenchanter avant de revenir se frotter à l’ennui, aux tracas et aux épreuves du quotidien ». On ne saurait mieux dire. Certes, la fantasy n’est pas un genre littérairement reconnu, et nul doute que d’aucuns la regardent avec mépris, préférant lire « ce qu’il faut », uniquement du sérieux, du didactique, du « qui parle du monde d’aujourd’hui » (ou d’hier, pour donner une leçon à aujourd’hui). À ceci près que la fantasy est un haut lieu de création – on y reviendra – ainsi qu’un genre, qui malgré qu’une partie de la production est clairement de type industriel, dans lequel on rencontre de belles histoires humaines, avec des valeurs transcendantes et des questionnements qui, présentés hors toute lourdeur démonstrative, ont peut-être plus de profondeur que celles présentées dans la littérature « sérieuse » – quiconque a un jour lu le cycle de Lyonesse (Jack Vance) ou celui de L’Assassin royal (Robin Hobb) comprendra – les autres gagneraient à les lire.

Alain Damasio : Quatre romans de SF (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 05 Mai 2021. , dans Science-fiction, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

 

La Zone du dehors, Gallimard/Folio, février 2021, 656 pages, 11,50 €

La Horde du Contrevent, Gallimard/Folio, février 2021, 736 pages, 11,50 €

Aucun souvenir assez solide, Gallimard/Folio, février 2021, 400 pages, 8,60 €

Scarlett et Novak, éditions Rageot, mars 2021, 64 pages, 4,99 €

 

À l’occasion de la réédition au format poche du troisième roman d’Alain Damasio, Les Furtifs, la collection Folio propose à nouveau ses deux romans précédents, La Zone du dehors (1999 ; nouvelle version en 2007, celle ici proposée) et La Horde du Contrevent (2004), ainsi que son unique recueil de nouvelles, Aucun souvenir assez solide (2012). Ces rééditions, sous une intéressante maquette typographique unique, qui rappelle certains graphismes des années soixante-dix tout en évoquant la fluidité du style de Damasio, sont une pure incitation à se replonger dans ces livres, envie déjà générée par la lecture des Furtifs, roman extraordinaire mais dont on se rend aisément compte qu’il est le fruit d’un long cheminement, tant philosophique et spirituel que littéraire au sens de la recherche d’un style pour dire.

Les Furtifs, Alain Damasio (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 31 Mars 2021. , dans Science-fiction, Les Livres, Les Chroniques, La Une CED, Folio (Gallimard)

Les Furtifs, février 2021, 944 pages, 11,50 € . Ecrivain(s): Alain Damasio Edition: Folio (Gallimard)

 

Qui aujourd’hui peut prétendre à inventer une langue ? Une langue pas juste littéraire s’entend, une langue-univers, une « sangue » – autant citer Les Furtifs sans préciser, que tout le monde s’y perde pour comprendre ? On croise de pauvres petites phrases averbales, de pauvres petites figures de style convenues au possible, des expérimentations creuses – mais une langue, une vraie, une porteuse d’un univers ? Non, rien. Puis il y a Damasio, depuis La Zone du dehors, coup d’essai magistral, et surtout La Horde du contrevent, chef-d’œuvre magistral, équipée sauvage dans la langue, tant à inventer qu’inventive, et dans un désert habité de multiples aventures. Car là se trouve le nœud de l’énigme Damasio : il offre à la langue une fureur vibrante rare tout en racontant des histoires haletantes. Damasio, c’est la rencontre de Valère Novarina et de Maurice Dantec, ou la sublimation des deux, et dans une époque où la littérature semble devenue un jeu intellectuel à destination de ceux qui sachent ou une petite suite d’histoires sordides aux personnages bidimensionnels, c’est un compliment absolu. Damasio, c’est l’auteur absolu pour dire le monde dans lequel nous vivons – et ses cauchemars à venir, mais aussi, surtout ! son désir poétique, virulent, enflammé.

Chroniques du Pays des Mères, Élisabeth Vonarburg (par Ivanne Rialland)

Ecrit par Ivanne Rialland , le Mardi, 30 Mars 2021. , dans Science-fiction, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Folio (Gallimard)

Chroniques du Pays des Mères, Élisabeth Vonarburg, janvier 2021, 773 pages, 10,30 € Edition: Folio (Gallimard)

 

La Collection Folio SF propose en ce début d’année une version poche du chef-d’œuvre d’Élisabeth Vonarburg dont les éditions Mnémos publiaient en 2019 pour la première fois en France l’édition de 1999 révisée par l’auteure.

À cette occasion, dans un entretien donné au site canadien Juste un mot (https://justaword.fr/interview-élisabeth-vonarburg-171c4f2aace0), Élisabeth Vonarburg revenait sur l’origine des Chroniques du Pays des Mères, dont la première édition remonte à 1992 : elles seraient une réaction à la dystopie misogyne de Charles Éric Maine, Alph.

Les Chroniques répondraient ainsi à la question : « Qu’est-ce que ça ferait, plus vraisemblablement que dans Alph, et donc sur tous les plans (y compris linguistique) s’il y avait beaucoup plus de femmes que d’hommes, et que ce ne soit pas une dystopie ? ».

Ganaha, Un conte futur dans une langue passée, Florent Toniello (par Cathy Garcia)

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 25 Août 2020. , dans Science-fiction, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Jacques Flament Editions

Ganaha, Un conte futur dans une langue passée, Florent Toniello, janvier 2020, 215 pages, 15 € Edition: Jacques Flament Editions

je pénètre les trous noirs de ma chair, suis l’ange des temps

nouveaux, prêtresse des plans astraux, bouton d’arrêt,

simulation off, moi, toute-puissante, démembrée dans l’éther

 

Ganaha, de Florent Toniello, ouvre la nouvelle collection d’anticipation aux éditions Jacques Flament, dont il va s’occuper. Ganaha, étonnant roman d’anticipation, quantique, placé sous le signe du ruban de Möbius, écologique : il y est question d’intelligence artificielle d’une part poussée au summum de sa logique dans un futur lointain et qui n’a plus vraiment l’utilité des êtres humains, ses créateurs, et d’une société post-atomique qui elle semble aux antipodes : celle des « êtres vertes », très écologique, dépouillée de toute technologie non artisanale et très axée sur les valeurs féminines d’autre part et dans laquelle la poésie tient une grande place. Une société toute organisée autour de la culture et la consommation d’une plante vertueuse, la karé, qui évoque un peu le soma de l’Inde ancienne et qu’Huxley entre autres avait repris de façon plus négative dans Le Meilleur des mondes.