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Recensions

Le syndrome de l’accent étranger, Mariam Sheik Fareed (Par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 19 Août 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, J'ai lu (Flammarion)

Le syndrome de l’accent étranger, Mariam Sheik Fareed, mars 2022, 280 pages, 7,40 € Edition: J'ai lu (Flammarion)

 

Alexandre oublie un soir dans le métro parisien une sacoche contenant son ordinateur, lequel recèle, outre divers éléments personnels, le début d’un roman dont il a suspendu l’écriture, faute de savoir quelle suite lui donner. Le sujet : Sophie Van Er Meer, en conséquence d’un accident de la route, se retrouve affligée d’un mystérieux handicap : elle parle avec un étrange accent dont aucune thérapie ne parvient à la guérir et tombe en dépression. Là avorte le roman.

Désiré, immigré mauricien, balayeur municipal, trouve le sac, ouvre l’appareil, lit l’histoire… et s’impose à lui l’absolue nécessité de sortir Sophie de son état morbide. Ne sachant pas très bien écrire, il se fait aider par Marie, une bénévole de la soupe populaire à laquelle il a nécessairement recours pour se nourrir régulièrement, pour contacter Alexandre par courriel et lui proposer un singulier marché : il lui rendra son bien si l’auteur accepte en échange d’offrir à son personnage une porte de sortie ouvrant sur la voie d’une vie nouvelle où son accent ne constituera plus un attribut handicapant.

Madame Hayat, Ahmet Altan (Par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 19 Août 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman, Actes Sud

Madame Hayat, Ahmet Altan, septembre 2021, 272 pages, 22 € Edition: Actes Sud

 

L’auteur de ce roman, journaliste et écrivain turc, Ahmet Altan, l’a composé en prison, il fut ainsi accusé d’avoir participé au putsch de 2016. Sans être un roman totalement politique, le livre multiplie les thèmes : l’initiation amoureuse, la vie des étudiants, l’insécurité dans une ville jamais nommée – on pense évidemment à l’une des grandes villes turques, le contrôle de la presse, l’interdiction de revues réflexives, etc.

Fazil, jeune étudiant en lettres, vit en communauté dans un pauvre gourbi avec des déclassés, un Poète, une famille pauvre. Pour arrondir son budget universitaire, il participe comme figurant dans toute une série d’émissions télévisées. C’est d’ailleurs là qu’il rencontre pour la première fois Madame Hayat, qui a l’âge de sa mère et la séduction d’une jeune. C’est tout de suite une relation intense.

Peu après, c’est une jeune fille, Sila, qui l’intéresse aussi. D’une femme l’autre, Fazil fait ainsi l’expérience de l’amour. Avec sa complexité, avec ses doutes, avec ses fines connaissances de l’âme humaine.

Le Jour où Vicky Dillon Billon n’a pas bu son bol de lait, Véronique Seydoux, Hélène Georges (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Vendredi, 19 Août 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Jeunesse, Le Rouergue

Le Jour où Vicky Dillon Billon n’a pas bu son bol de lait, Véronique Seydoux, Hélène Georges, mars 2022, 48 pages, 16,80 € Edition: Le Rouergue

La petite fille rebelle de l’Ouest sauvage

Le duo formé par Véronique Seydoux la scénariste, née en 1965, enseignante à Belfort et Hélène Georges, l’illustratrice, née en 1978 à Remiremont, formée aux Arts Décoratifs de Strasbourg, livre ce splendide ouvrage jeunesse consacré à l’Ouest américain, au titre qui interroge : Le Jour où Vicky Dillon Billon n’a pas bu son bol de lait. La couverture cartonnée révèle une vision westernienne, celle d’une fillette chevauchant un mustang bleu dans un fond rose et désert. De plus, Vicky Dillon Billon porte un drôle de nom (Dillon est une ville américaine située dans le comté de Summit dans le Colorado, et le billon, un alliage de cuivre, de zinc et d’argent). Vicky est une dynamique jeune africaine-américaine, vêtue comme sa mère d’un habit de cow-boy, coiffée d’un sombrero et chaussée de santiags. Elle se montre désobéissante, refuse de boire son lait et casse son bol. Disputée par sa mère, elle pique une colère si forte que ses nattes volent au vent. Elle se transforme alors en une petite fille rebelle de l’Ouest sauvage, elle-même alliage d’une métisse et d’un cow-boy sans peur et sans reproche.

Terres voraces, Sylvain Estibal (par Olivier Verdun)

Ecrit par Olivier Verdun , le Jeudi, 18 Août 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Actes Sud

Terres voraces, Sylvain Estibal, février 2022, 176 pages, 16,80 € Edition: Actes Sud

 

Je viens de refermer ce livre d’une noirceur incandescente. Les mots lacèrent la page, sondent « l’ampleur des fissures invisibles », des « séismes silencieux ». Un long voyage parmi les ombres, au milieu des fosses et de leur affreux silence, avec, au bout de la nuit, des points de lumière. Dans ce monde de lésions, d’entailles, de mépris où l’amour étouffe en silence, les tiges métalliques affrontent l’injustice, percent le sol pour faire respirer les morts engloutis par les terres voraces. – Terres de douleurs et de cris, perdues dans l’immensité de l’absence. Les mots qu’on lit sont des lambeaux de chair découpés au scalpel, qui forment une « grammaire des suppliciés ». Un monde très vaste avec sa « géographie, ses vastes étendues, ses reliefs et ses tracés », fait de « marbrures de sang », de « marques azurées », de « lacérations », de « brûlures », d’« épanchements liquidiens », de « perforations », de « dislocations ». Les corps écorchés, torturés, triturés, disloqués, rappellent les momies grimaçantes de Guanajuato, les tableaux de Grünewald, Francis Bacon, Vladimir Velickovic… L’horreur est comme magnifiée par la beauté incantatoire des phrases, elles-mêmes fragmentées pour être au plus près de la douleur.

La Maligredi, Gioacchino Criaco (par Guy Donikian)

Ecrit par Guy Donikian , le Mercredi, 17 Août 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Roman, Métailié, Italie

La Maligredi, Gioacchino Criaco, Ed. Métailié, juin 2022, trad. italien, Serge Quaddrupani, 383 pages, 22,50 € Edition: Métailié


« Vous savez quelle malédiction est pire que le démon ? La Maligredi, dit-il, sans attendre de réponse. C’est le hurlement du loup qui a franchi une clôture et qui, au lieu de manger juste la brebis qu’il lui faut pour se rassasier, les égorge toutes ».

Nous sommes en Calabre, dans un village où sévit la pauvreté qui se pare des atours d’un monde dans lequel les relations sociales sont présentes, chacun est connu de tous, mais un monde que les maris ont souvent déserté pour gagner de quoi subvenir aux besoins de la famille, dans lequel les enfants sont souvent livrés à eux-mêmes, dont la scolarité est chaotique, un monde rural qui nourrit peu, voire pas son monde.