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Recensions

Les Jours de Saveli, Grigori Sloujitel (par Marie Duclos)

, le Mercredi, 23 Novembre 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Editions des Syrtes

Les Jours de Saveli, Grigori Sloujitel, Editions des Syrtes, août 2022, trad. russe, Maud Mabillard, 330 pages, 22 € Edition: Editions des Syrtes

 

Ce roman raconte les pérégrinations d’un chat aux multiples vies et multiples ressources. C’est une sorte de conte anthropomorphique plein de charme et empreint d’une certaine philosophie. L’unité de lieu est Moscou dont on découvre les quartiers et l’ambiance à vue de chat. L’œil est aiguisé, et l’odorat présent, les descriptions sont précises, des bords de la Iaouza, à la banlieue, au centre de la ville et dans le jardin Bauman.

Les rencontres de ce chat indépendant et bavard lui font partager la caisse « chiquita » avec ses sœurs et sa mère, les visites de Tante Madeleine, des vies en famille avec plusieurs générations, avec des étudiants Kirghizes, avec un vieux gardien, avec des comparses et autres animaux puis dans un « barachats ». Son destin est émaillé de nouveaux prénoms, de ballades, de petits plats et de rencontres dont la dernière avec la jeune Greta lui fera connaître un grand amour aux yeux verts.

Les Confessions d’un petit philosophe, Azorin (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 18 Novembre 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Récits

Les Confessions d’un petit philosophe, Azorin, éditions du Canoë, novembre 2022, trad. espagnol, Isabelle Leymarie, 128 pages, 15 €

Dans une prose simple et prenante, en petits chapitres d’une ou deux pages, Azorin relate son enfance, le collège austère, les prêtres, la mélancolie des villes d’alors, des petites vieilles qui récitent les neuvaines, et les oncles et tantes, tous vieux, tous englués dans les miasmes de la province espagnole. C’est la canicule, les moissons ne vont pas beaucoup donner et il y aura peu de vin. Sous la plume d’Antonio Azorin, c’est toute l’enfance qui défile, c’est toute la vie qui a pu le nourrir. Le ton de ces quarante-sept chapitres est tissé de nostalgie, de mélancolie, d’une angoisse indicible. Le « petit philosophe » n’use pas de grands mots ; sa philosophie, c’est la science de vivre au contact des siens, nourri d’une mémoire saine, et des valeurs universelles de bonté et de compréhension.

Les maisons, les lieux, les jardins ont pour lui l’agrément d’une vie solide : les murs parlent, les lieux ont de quoi nous conter, la vaste plaine qui s’étendait aux yeux de l’enfant fatigué au collège est pour lui une raison d’imaginer la vie, de la prolonger par l’esprit.

Il n’est pas important de posséder beaucoup : quelques vignes suffisent à l’oncle Antonio pour faire de lui un homme heureux et généreux. Il accueille souvent chez lui son neveu.

Sang de nos racines, Francis Gonnet (par Parme Ceriset)

Ecrit par Parme Ceriset , le Mercredi, 16 Novembre 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Poésie, Editions du Cygne

Sang de nos racines, Francis Gonnet, Editions du Cygne, septembre 2022, 56 pages, 10 € Edition: Editions du Cygne

 

La poésie de Francis Gonnet offre au lecteur une approche contemplative de la nature et de la vie. Dans ce recueil, très joliment préfacé par Anne-Marielle Wilverth, le regard du poète se pose sur la neige et sa pensée rejoint les racines souterraines du réel, « les profondeurs de l’arbre » qui « touchent les lointains horizons ».

Ces racines mêlées font lien « au-delà de nous », fusionnent « en un seul fleuve », « en une seule flamme ». Elles sont un puissant ciment de soutien aux fondations de l’être et aux éléments naturels, elles sont ce qui s’accroche, ce qui empêche l’édifice de s’écrouler. Ainsi, « à flanc de montagne, aux parois limées de neige, s’accrochent les racines noueuses du jour / seules les racines résistent au glissement ».

Francis Gonnet en est convaincu, le mur tient « par les racines du soleil » et au cours de son ascension des mots, lui-même « s’adosse au vent, porté par ses racines ». Il apprécie les « neiges sans fin », le silence qui prend racine lui aussi et qui l’accompagne dans sa contemplation, là « où bat le vent », jusqu’à enfanter de nouvelles racines… Et ainsi de suite dans une série d’embranchements fractals.

Le loup et les sept chevreaux, Philippe Lechermeier, Charline Picard (par Yasmina Mahdi)

Ecrit par Yasmina Mahdi , le Lundi, 14 Novembre 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Jeunesse, Gallimard Jeunesse

Le loup et les sept chevreaux, Philippe Lechermeier, Charline Picard, Gallimard Jeunesse, Coll. Mes contes à déplier, juin 2022, 32 pages, 12,90 € Edition: Gallimard Jeunesse

 

Loup solitaire

Un autre album vient compléter la jolie Collection Mes contes à déplier, dans lequel l’auteur, Philippe Lechermeier, signe à nouveau la variante d’une fable, d’après un conte populaire allemand qui figure parmi ceux recueillis par les frères Grimm. L’action commence de suite par trois coups de théâtre « Toc, toc, toc ! », juste après la mise en garde de mère chèvre. L’auteur construit son récit en introduisant des dialogues souvent de style indirect. Ici, la référence au Petit Chaperon rouge est nette mais ce sont des animaux anthropomorphisés qui entrent en scène, les sept chevreaux. Le chiffre sept a une forte charge symbolique, comme par exemple dans Le Loup et les Sept Chevreaux, Blanche-Neige et les sept nainsles sept marraines de La Belle au bois dormant chez Charles Perrault, les sept fils dans le conte Le Petit Poucet et les bottes de sept lieues ou encore les Sept voyages de Sinbad le marin. En outre, « montrer patte blanche » fait penser à la fable de La Fontaine, Le Loup, la Chèvre et le Chevreau (1668), elle-même inspirée d’une fable d’Ésope.

Un Passage au Maroc, Alain Gorius (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Jeudi, 10 Novembre 2022. , dans Recensions, Les Livres, La Une Livres, Voyages, Al Manar

Un Passage au Maroc, Alain Gorius, Al Manar, 2019, photographies, Abderrazzak Benchaâbane, 48 pages, 16 € Edition: Al Manar

 

Ces « notes » d’un ami fervent du Maroc et de ses gens ont pour but de garder des traces d’un « passage », dans ce pays aimé, celui de l’Extrême-Couchant comme Gorius le nomme. Pour dire ces « moments de vie » passés au contact chaleureux des Marocains, humbles ou plus connus, gens de la rue ou artistes, peintres, écrivains, poètes, l’auteur a fait appel, au-delà de ses textes, aux belles photographies de Benchaâbane, en noir et blanc, portraits, scènes de rues ou paysages, femmes au bord de l’océan, visages burinés, regards vifs et intenses. Les voyages ne laissent pas indemnes et c’est leur grandeur que de grappiller la beauté pour qu’elle ne s’étiole pas.

En vingt-quatre courts fragments, d’une prose très poétique, Alain Gorius énonce ses préférences, ses choix, ses pérégrinations. Ses blasons nous valent des textes tendus et tendres, jamais complaisants, avec la distance de l’écriture et du cœur. Et ses textes vibrent, comme le rappel des choses à conserver coûte que coûte. C’est le portrait de femmes, leur beauté insolente ou cachée ; c’est celui d’artistes comme Kacimi, peintre et poète, comme Mohamed Abouelouakar, ou encore à l’image du poète longtemps enfermé à Kenitra, Abdellatif Laâbi.