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Collection de poche de la Martinière

Tais-toi, je t’en prie, Raymond Carver

Ecrit par Didier Smal , le Vendredi, 17 Mars 2017. , dans Points, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Tais-toi, je t’en prie, trad. anglais (USA) François Lasquin, 336 pages, 7,30 € . Ecrivain(s): Raymond Carver Edition: Points

 

Pourquoi lit-on les nouvelles de Raymond Carver (1938-1988) ? Pourquoi lit-on, ses poèmes ? Peut-être pour une raison très simple : comme le chante Gérard Manset nous avons des vies monotones, et celles que raconte Carver leur ressemblent par cette vertu de l’éclat soudain, de l’impression, occasionnelle mais prégnante, d’une faille dans l’univers dans laquelle s’engouffre un mal-être qui prend à la gorge, un peu comme ce que ressent Al, le père au bord du gouffre de la nouvelle Jerry et Molly et Sam : « Il lui semblait que l’univers entier s’écroulait autour de lui. Pendant qu’il se rasait, il s’immobilisa, le rasoir suspendu dans l’air, et fixa son image dans la glace. Son visage était pâteux, informe. Il suait l’immoralité. Il reposa son rasoir. Cette fois, je me suis planté pour de bon. J’ai commis la plus grave erreur de ma vie. Il saisit le rasoir, le plaça contre sa gorge et acheva de se raser ».

Un cheval entre dans un bar, David Grossman (2ème critique)

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Jeudi, 08 Septembre 2016. , dans Points, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Bassin méditerranéen, Roman, Moyen Orient

Un cheval entre dans un bar, août 2015, trad. hébreu Nicolas Weill, 176 pages, 19 € . Ecrivain(s): David Grossman Edition: Points

 

Le dernier roman de David Grossman est un livre grinçant à souhait, qui cultive l’auto-dérison à la puissance dix, jusqu’à l’auto-mutilation mentale, et qui peut se lire à un double niveau.

A un premier niveau, narratif, l’humoriste Dovalé, âgé de 57 ans, se livre à un « stand up », un one-man-show, sorte de comédie où l’acteur est debout devant son public, l’apostrophe, s’oppose à lui. Il a pris soin d’inviter à sa performance un ancien camarade de classe devenu juge, Avishaï Lazar, à présent retraité, et peut-être d’autres connaissances antérieures. L’humoriste énonce de mauvaises blagues, utilisant tous les registres du comique, des blagues qui non seulement ne font pas toujours rire mais qui semblent receler de la malveillance. « Qui sait quelle partie d’échecs complexe il joue avec nous ce soir ? »

Ce soir-là, le spectacle dérape, l’humoriste va trop loin et se livre à une alternance d’humiliations publiques et de séances d’auto-flagellation. Tout participe au malaise de la soirée, non seulement la succession des scènes de comédie plus ou moins réussies, mais aussi le voyeurisme du public, confronté à « la tentation de lorgner l’enfer d’autrui », et l’incompréhension méprisante du copain d’enfance vis-à-vis du métier d’amuseur de foule :

Les Trophées & Poésies complètes, José-Maria de Heredia

Ecrit par Michel Host , le Lundi, 18 Avril 2016. , dans Points, Les Livres, Critiques, Livres décortiqués, La Une Livres, Poésie

Les Trophées & Poésies complètes, 285 pages, 7,90 € . Ecrivain(s): José-Maria de Heredia Edition: Points

 

 

« Tu vivras toujours jeune, et grâce aux Piérides,

Gallus, jamais ton front ne connaîtra les rides… »

À un poète,  J. Maria de Heredia

 

Un recueil pratique, fait pour la main et la poche, l’œuvre complète d’un poète dont le nom résonne toujours, mais qui, aujourd’hui, n’en fait pas moins partie des grands bustes immobiles que l’on rencontre au débouché des escaliers d’honneur de nos monuments dédiés à la culture, et dont les anciens lycéens que nous sommes se souviennent des vers frappés (qui les frappèrent, précisément, ou les firent reculer par leur rigueur métrique et rythmique, leur perfection prosodique, leur classicisme assumé).

Anthologie de poésie haïtienne contemporaine dirigée et présentée par James Noël

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mardi, 15 Mars 2016. , dans Points, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie, Anthologie

Anthologie de poésie haïtienne contemporaine, novembre 2015, 572 pages, 9,90 € Edition: Points

 

Découvertes. Découvertes avant tout avec cette anthologie. C’est d’ailleurs d’abord à cela que devrait servir toute anthologie. Le jeu de la compilation des « best of » est ici largement dépassé pour le lecteur ordinaire qui, quand bien même il ou elle serait amateur de poésie, découvre une diversité qu’il serait bien à mal d’apprécier par ses propres moyens.

Il peut sembler a priori difficile de trouver une unité parmi tous les auteurs rassemblés ici. Ce sont en effet 73 voix différentes qui sont offertes à notre curiosité, de celle du doyen René Depestre (né en 1926) à celle du benjamin, Fabian Charles (né en 1993). Si quelques voix peuvent nous être connues, sans forcément nous être familières, la plupart seront pour le lecteur une entière découverte. Chercher à tout prix quelque chose qui unifierait toutes ces voix au-delà du présent volume et de l’attachement à une île qui conjugue dans nos imaginaires continentaux exotisme et fascination, exubérance religieuse et musicale et drame sociaux, de l’esclavagisme aux catastrophes naturelles, pourrait sembler inutile et prétentieux (voire un peu méprisant et post-néo-colonialiste).

Cassada, James Salter

Ecrit par Didier Smal , le Samedi, 06 Février 2016. , dans Points, Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman

Cassada, août 2015, trad. de l’anglais (USA) Jean-François Ménard, 272 pages, 8,5 € . Ecrivain(s): James Salter Edition: Points

 

Roman à l’étrange destinée que celui-ci, à la fois deuxième et sixième de James Salter (1925-2015) : publié en 1961 sous le titre The Arm of Flesh, il a été retravaillé par son auteur pour republication en 2000 sous le titre Cassada, ainsi que l’explique Eric Neuhoff dans la préface (très mal écrite, d’un style à l’indigence affligeante surtout si l’on considère qu’elle est écrite pour un roman de James Salter…) à cette nouvelle édition de poche. Pour savoir à quel point le roman a été remanié, de The Arm of Flesh à Cassada, il suffirait de dépenser environ cent dollars et se donner la peine de lire le premier ; oui, il suffirait, et ça ôterait peut-être certains doutes, ça permettrait de mieux comprendre quelle part occupent respectivement le jeune James Salter et son aîné de presque quarante ans dans le second. Ce pourrait être l’objet d’une étude de type universitaire, intéressante aux yeux de qui préfère disséquer la littérature plutôt qu’en profiter. De toute façon, ainsi que l’écrit Salter dans un bref avant-propos, « Cette nouvelle version prétend ainsi devenir le livre que l’autre aurait pu être », étant admis que l’auteur lui-même décrètre que The Arm of Flesh « présentait de graves défauts ».