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Les Livres

Issues, Samuel Gallet

Ecrit par Marie du Crest , le Jeudi, 24 Mars 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Théâtre, Espaces 34

Issues, janvier 2016, 96 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Samuel Gallet Edition: Espaces 34

 

L’Atelier/Théâtre

L’histoire du mot atelier nous apprend qu’il signifiait tout d’abord tas de bois, puis par extension le lieu où un artisan travaille le bois. Ainsi le texte de Samuel Gallet est-il l’atelier d’une écriture dramatique non seulement en raison de la première situation, du premier lieu de l’action, à savoir l’atelier d’écriture dirigé par Boris pour trois détenus, qui se tient dans la bibliothèque d’une prison et qu’il met en place, mais aussi parce que l’ensemble de la pièce emprunte tout le chemin créatif théâtral de l’écriture à une tentative de jeu.

L’histoire du théâtre connaît une longue lignée d’œuvres dans lesquelles le théâtre se représente lui-même, se met en abyme, de Shakespeare à Molière ou Marivaux, de Pirandello à Genet entre autres. On se souvient notamment dans Le Songe d’une nuit d’été, à l’acte I, de la présence d’une troupe de comédiens amateurs préparant une pièce, à l’occasion du mariage d’un prince. Samuel Gallet lui aussi fait de sa pièce à la fois un laboratoire (Boris fait travailler les détenus sur des méthodes, des expérimentations du langage comme les listes de mots à faire émerger  en vue d’un cut-up ou d’un jeu à partir de lettres (p.15 et suivantes), mais également une construction, une réalisation textuelle : la pièce de théâtre poétique avec son titre Issues, sa liste de personnages (p.51-2).

Publier son livre à l’ère numérique, Marie-Laure Cahier, Élizabeth Sutton

Ecrit par Laurent Bettoni , le Jeudi, 24 Mars 2016. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres

Publier son livre à l’ère numérique, Eyrolles, janvier 2016, 174 pages, 19 € (4,99 € livre numérique) . Ecrivain(s): Marie-Laure Cahier, Élizabeth Sutton

 

Après avoir été (ou)vertement critiquées, l’édition numérique et l’autoédition apparaissent aujourd’hui comme l’avenir possible de certains éditeurs « traditionnels » qui viennent faire leur marché dans le top 100 d’Amazon, afin d’y dénicher les auteurs et les titres best-sellers de l’année. Cela pourrait prêter à rire. Ou à réfléchir.

C’est cette seconde option qu’ont choisie les deux auteurs de ce livre remarquable, Publier son livre à l’ère du numérique.

Marie-Laure Cahier est auteur, traducteur, conseil éditorial, et a occupé durant quinze ans un poste de direction dans l’une des maisons du groupe Hachette.

Élizabeth Sutton travaille depuis quinze ans dans l’édition numérique. Elle est consultante en marketing du livre pour de grands groupes, enseigne à l’École des Gobelins et a co-fondé le site d’actualités sur le livre numérique IDBOOX.com.

L’Ombre animale, Makenzy Orcel

Ecrit par Marc Ossorguine , le Mercredi, 23 Mars 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Zulma

L’Ombre animale, janvier 2016, 352 pages, 20 € . Ecrivain(s): Makenzy Orcel Edition: Zulma

 

Ceci n’est pas « une » histoire

Entrer dans le monde de Makenzy Orcel, cela suppose de renoncer à nos repères habituels : au partage clair et rassurant entre profane et sacré, entre quotidien et rituel, entre culpabilité et innocence, entre amour et haine, entre vie et mort, entre présent et passé… car on ne cesse de franchir les limites de l’un et de l’autre, en permanence en équilibre dans un monde qui nous semble parfois incompréhensible et improbable, à la fois fascinant et chaotique, confus et terriblement cohérent. Bien trop cohérent dans ce qu’il nous renvoie du monde, de celui de « là-bas » comme de celui « d’ici » (où que soit cet « ici »).

C’est qu’il y a à la fois beaucoup de violence et d’innocence, d’arbitraire et de fatalité dans le récit de misère qui se livre page après page, figure après figure, personnage après personnage… Car ce « récit » est d’abord un récit de personnages. Ces personnages pour nous étrangement nommés (Makenzy, Orcel, Toi…) dont les voix se font écho, croisant leurs rythmes, leurs ombres, leurs douleurs et leurs rêves. Il y a d’abord la narratrice, morte et sans nom, qui s’est suicidée et en profite pour libérer la parole que chacun tient recluse ou fait exploser.

Je mourrai une autre fois, Isabelle Alonso

Ecrit par Zoe Tisset , le Mercredi, 23 Mars 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Héloïse D'Ormesson

Je mourrai une autre fois, février 2016, 320 pages, 19 € . Ecrivain(s): Isabelle Alonso Edition: Héloïse D'Ormesson

 

« L’histoire telle qu’elle s’écrit, telle que l’écrivent les vainqueurs, a fait de nous des oubliés, des cocus de première classe ». Le ton est donné, l’auteur, après L’Exil est mon pays, où elle racontait le quotidien d’une enfant immigrée arrivée d’Espagne (sa propre histoire), veut rendre hommage à ses ancêtres, les républicains. Ceux qui se sont battus pour la démocratie et dont les corps « gisent encore sans sépulture dans les fossés où eut lieu leur exécution ». A travers la petite histoire d’une famille espagnole au début du XXème siècle, on traverse la grande histoire, le quotidien de ceux qui vont s’engager pour lutter contre les « Fachas ». Nous sommes d’abord plongés dans l’univers familial de la famille d’Angel Alcalà Llach : « Pouvoir nous donner du lait à tout moment sans qu’il tourne, caille ou aigrisse comble ma mère. Elle se délecte de tout ce qui est moderne. Moderne comme la glacière, un pesant meuble de bois et marbre dont l’intérieur doublé de métal, isole son contenu des hauts et des bas du thermomètre ». Famille avec une conscience politique aigüe au point de déguiser les enfants en journaux, au nom de la liberté de la presse. « Déguisée en journal, tu imagines ? Ni en princesse cucul la praline, ni en sainte nitouche, ni en bergère gnangnan. En journal ! C’est autre chose ! J’étais celle qui apportait les nouvelles du monde !

Le Voyage de M. de Balzac à Turin, Max Genève

Ecrit par Stéphane Bret , le Mardi, 22 Mars 2016. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Serge Safran éditeur

Le Voyage de M. de Balzac à Turin, février 2016, 218 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Max Genève Edition: Serge Safran éditeur

 

Un voyage peut-il être l’occasion d’un répit ? Une séquence d’insouciance ?

On serait tenté spontanément de répondre par l’affirmative, à ceci près que le voyageur décrit par Max Genève dans son récit n’est autre qu’Honoré de Balzac, qui entreprend en juillet 1836 un voyage à Turin, car le duc Guidoboni-Visconti, membre éminent de la noblesse italienne, a proposé à Balzac de le représenter pour une affaire d’héritage. Les circonstances de ce déplacement sont très négatives et périlleuses pour l’écrivain. Il vient de publier Le Lys dans la vallée, mal reçu par la critique, et sort de la faillite retentissante de La Chronique de Paris, organe royaliste chargé de diffuser les idées légitimistes et orléanistes. Le journal est bientôt en dépôt de bilan et Balzac est ravi d’accepter cette proposition, qui lui permet provisoirement d’échapper aux créanciers, à l’épuisement créé par des heures et des heures d’écriture et de consommation de café à haute dose.

Une personne accompagne Balzac dans son déplacement vers le Piémont : il s’agit de Caroline Marbouty, abandonnée par son mari et qui, surtout, a écrit, sur commande de Balzac, dans La Chronique de Paris, une nouvelle, puis une deuxième, sous le pseudonyme de Marcel.