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Les Livres

La bague aux 3 amours, Yvonne Leray, Loïc Collet (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Vendredi, 12 Juillet 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La bague aux 3 amours, Yvonne Leray, Loïc Collet, Les Editions Baudelaire, avril 2019, 166 pages, 14 €

 

Derrière ce titre à la fois fleur bleue et énigmatique, une bague montée d’un rubis (« à trois nervures serrées l’une contre l’autre ») offerte par un homme à une femme pour signifier, en effet, trois amours à faire (difficilement) vivre ensemble : pour le Christ, pour le prochain (pour le monde des autres, de tous les dignes et mortels), pour cet(te) autre enfin à qui l’on brûle de lier sa vie.

Un couple dans ce livre s’explique sur les raisons de s’être formé, et cherche étonnamment à juger son propre amour : fraternité partiale ? Complicité profanatrice ? Ferveur sortie de ses gonds ? On n’est pourtant pas du tout ici dans la psychologie familiale, ni la spiritualité fumeuse. On est ailleurs, depuis longtemps. Mais ailleurs dans la vie réelle, aussi bien dans la réalité de l’incompatibilité des vocations que dans le partage de la réalité des vies.

Zabor, ou Les psaumes, Kamel Daoud (par Marie-Pierre Fiorentino)

Ecrit par Marie-Pierre Fiorentino , le Jeudi, 11 Juillet 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, Maghreb, Babel (Actes Sud)

Zabor, ou Les psaumes, 330 pages, 21 € . Ecrivain(s): Kamel Daoud Edition: Babel (Actes Sud)

 

« Le vieillard était devenu une poignée de chair dans la main froissée du drap »

Zabor ou Les psaumes est d’abord un splendide livre d’images écrit dans les parages de la mort. L’histoire de Zabor, pauvre de tout sauf de ses mots, est celle d’une défaite triomphalement équivoque. Même le nom du village où Zabor vit, Aboukir, est beau de l’éclat de ses trois syllabes en branches, soleil dessiné par l’enfance dans des odeurs et des bruissements dont l’angoisse et les rêves se nourrissent.

Mais l’histoire de Zabor est aussi celle de l’émancipation par une langue que l’on décide de faire sienne. Car « Tout baiser se fait dans le silence de la langue ».

 

« L’orgasme n’est pas un complot occidental »

L’Homme trans, Variations sur un préfixe, Bruno Chaouat (par Gilles Banderier)

Ecrit par Gilles Banderier , le Jeudi, 11 Juillet 2019. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Léo Scheer

L’Homme trans, Variations sur un préfixe, mars 2019, 152 pages, 16 € . Ecrivain(s): Bruno Chaouat Edition: Léo Scheer

 

La quatrième de couverture de L’Homme trans nous apprend que son auteur enseigne la littérature à l’université du Minnesota. Il est de prime abord surprenant qu’un professeur de littérature s’empare de questions comme celles dont traite ce volume (le transhumanisme, les concepts de transgenre et de transparence), toutes notions à cheval sur la science, la philosophie et la sociologie, mais dont peu d’écrivains se sont jamais saisi. Non que ces trois objets manquent d’intérêt, mais les problèmes variés qu’ils soulèvent sont récents (moins de quinze ans), alors que l’apparition et la reconnaissance des grands écrivains résultent d’une alchimie lente et mystérieuse. De surcroît, hors du domaine de la science-fiction, les romanciers répugnent souvent à s’emparer des questions scientifiques (« il n’est rien de plus négligé par les humanités que la technologie et les sciences du vivant », p.18), Siri Hustvedt et Michel Houellebecq formant des exceptions. Mais, compte tenu de la vocation totalisante de la littérature, de sa capacité à former « une mathesis, un ordre, un système, un champ structuré du savoir » (Roland Barthes par lui-même, 1975, pp.122-123), il est évident qu’elle peut être appelée à éclairer les transformations en cours.

Cette voix d’un ailleurs, Danusza Bytniewski (par Patrick Devaux)

Ecrit par Patrick Devaux , le Jeudi, 11 Juillet 2019. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Cette voix d’un ailleurs, éd. Samizdat, 2013, 96 pages . Ecrivain(s): Danusza Bytniewski

 

Comment appréhender cet autre soi-même, une sorte de double en un lieu autre ? : « La voix/goutte à goutte elle chemine en moi/Me lave de la poussière/ Tel un oiseau qui voudrait voler, cogne contre les bourreaux de mon impuissance ».

L’échappatoire mène à la conclusion de faire partie d’un tout « autre » : « Je suis plus loin que l’exil. Je n’ai pas quitté mon corps, c’est lui qui m’a quitté… Je suis… sans tout ce qui donne à vivre ».

Le mystère de la vie jaillit dans tout son éclat avec une sorte de touche incantatoire non dénuée d’absence : « Mon corps semble en repos éternel, car je suppose que j’ai un corps. Il est si loin de moi, dans une zone où je ne suis pas ».

Au désert mental se substitue le souvenir du paysage ressenti :

Ainsi parlait Gustave Flaubert, présentation Yves Leclair (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Jeudi, 11 Juillet 2019. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

Ainsi parlait Gustave Flaubert, présentation Yves Leclair, Arfuyen, mai 2019, 166 pages, 14 €

Réfléchir avec Flaubert

J’ai découvert, à travers ce nouveau livre de la collection Ainsi parlait chez Arfuyen, un Gustave Flaubert dont je n’avais pas assez cerné le côté sombre, ni le pessimisme profond de sa nature. Je le savais « ours », mais je ne soupçonnais pas ses oscillations entre un cynisme philosophique, disons, doux, et des conceptions comme le stoïcisme ou le scepticisme, qui mettent en lumière un écrivain dégoûté de la réalité sociale et de ses conventions, presque touché par le goût de mourir. Durant cette lecture, j’ai pensé à une citation que l’on prête à Georges Sanders, l’acteur, qui avant son suicide, s’est exprimé ainsi : « Je vous abandonne à vos soucis dans cette charmante fosse d’aisance. Bon courage ». Je trouve que cette citation correspond en un sens à l’univers littéraire de Flaubert. En tous cas, à celui qu’exprime sa correspondance – qui est aussi précise et harmonieuse que l’est son œuvre romanesque, à mon sens (sans doute pas travaillée au gueuloir) –, épîtres d’une très haute tenue, notamment au sujet des idées qu’elles avancent. De cette façon j’ai vraiment rencontré « l’ours de Croisset ». Noirceur, pessimisme, mélancolie, désespoir, irritabilité, une sorte de mise en demeure d’un caractère neurasthénique, mais d’une neurasthénie intellectuelle, l’intellection d’un dépressif, qui ne subit pas le malheur et le tient en respect grâce au langage et à l’art.