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Les Livres

Les Vagues, Virginia Woolf (par François Baillon)

Ecrit par François Baillon , le Mardi, 28 Avril 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, Le Livre de Poche

Les Vagues, trad. Marguerite Yourcenar, 320 pages, 7,30 € . Ecrivain(s): Virginia Woolf Edition: Le Livre de Poche

 

Dans son journal, Virginia Woolf a noté : « Il y a peu de livres que j’aie écrits avec autant d’intérêt que Les Vagues. (…) Je trouve que cela valait la peine de lutter ». Est-ce à en déduire que la rédaction de ce roman fut une véritable épreuve pour l’écrivaine ? Et d’ailleurs, est-ce un roman, comme on peut se poser la question pour d’autres œuvres de Virginia Woolf ?

Dans tous les cas, il est intéressant de relever une contradiction : se donnant pour but de représenter « la vie elle-même qui s’écoule », la romancière a vraisemblablement eu à se battre pour exprimer les mouvements d’une fluidité propre à l’eau. Cependant, à la façon d’un musicien qui doit lutter longtemps avant de donner naissance à une virtuosité sans effort, Virginia Woolf honore ses intentions de départ : nous voguons, en effet, et le courant n’est pas particulièrement violent. On pourrait même déplorer une forme de lenteur, notamment dans la description des paysages qui ouvre chaque partie du livre (descriptions au reste composées comme de véritables tableaux).

L’Artiste en petites choses, Patrick Reumaux (par Delphine Crahay)

Ecrit par Delphine Crahay , le Mardi, 28 Avril 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Biographie, Récits

L’Artiste en petites choses, Patrick Reumaux, Klincksieck éditions, coll. De Natura Rerum, janvier 2020, 248 pages, 21 €

 

L’Artiste en petites choses est un recueil de souvenirs. Il y est question de l’enfance, des demeures de l’auteur, des amitiés, des figures familiales, d’animaux, de plantes, de mycologie, de littérature…

Ces miscellanées de la mémoire prennent la forme de fragments racontant une scène ou une anecdote, déployant une rêverie ou une pensée. Leur succession obéit à un ordre qui nous échappe et ne doit rien à la chronologie : les temporalités se confondent en « un temps qui n’est ni le temps ni la durée, mais quelque chose comme une figure courrière de l’éternité ». C’est qu’elle n’importe guère, la chronologie, pas plus que la vérité ou la réalité des faits. Non que l’auteur ne soit pas précis, pas exact : il l’est, rigoureusement. Il ne raconte pas non plus le moindre mensonge. Parfois, peut-être, il conte des songes, lorsqu’il ranime certains souvenirs, certaines visions, qui sont nimbés d’onirisme et enluminés d’une aura fantasmagorique. Mais rien n’est plus réel, plus vrai, plus fidèle, que ces songes, dès lors que ce qui compte, ce sont les impressions, empreintes et gravures de l’âme, et le sens toujours provisoire et parcellaire qui leur est donné. Dès lors, aussi, que l’on admet les fluctuances et les errances de la mémoire, son étroite connivence avec l’imagination – aujourd’hui attestées.

La parole qui me porte, Paul Valet (par Didier Ayres)

Ecrit par Didier Ayres , le Mardi, 28 Avril 2020. , dans Les Livres, Les Chroniques, La Une CED

La parole qui me porte, Paul Valet, Gallimard, Coll. Poésie, février 2020, préface Sophie Nauleau, 208 pages, 7,50 €

 

Paul Valet : réfléchir/résister

Le 549ème volume de la collection poésie/Gallimard m’a fait découvrir un auteur tout à fait intéressant. Et cela à deux titres. D’abord pour le parcours de vie de ce poète, qui fut résistant et qui pour cela a acquis un nom et un prénom, lesquels d’ailleurs seront gravés sur sa tombe, inscrits à la fois avec son vrai patronyme et celui qu’il s’était choisi comme poète. Cette double appartenance au monde politique, à la guerre de 39/45, et au poème, publications un peu erratiques, où des recueils sont aujourd’hui difficiles d’accès, fait de lui un écrivain en porte-à-faux avec la poésie conçue comme pathétique ou tentée par des images d’Épinal. Car sa poésie s’appuie sur l’activité de la pensée, dirigée vers la profondeur, sans concession envers tout lyrisme, toute enflure poétique. Paul Valet porte un nom de poète qui dit bien le service qu’il rend au langage, avec sobriété, mais visant l’intelligence et la raison.

Cahiers des chemins qui ne mènent pas, Jean-Louis Bernard (par André Sagne)

Ecrit par Luc-André Sagne , le Lundi, 27 Avril 2020. , dans Les Livres, Critiques, La Une Livres, Poésie

Cahiers des chemins qui ne mènent pas, éditions Alcyone Coll. Surya, 2019, 64 pages, 17 € . Ecrivain(s): Jean-Louis Bernard

 

 

Le nouveau recueil que nous livre aujourd’hui Jean-Louis Bernard se compose de 54 poèmes qui sont à vrai dire des textes en prose dont certains, au nombre de 10, abritent en leur sein un poème proprement dit. Faisant fi des distinctions traditionnelles pour aller à l’essentiel, là où se nouent énergie et rythme, images et sons, le poète, par ce recours à la prose, loin de diluer la concentration et la puissance de ses mots (telles qu’elles apparaissent dans ses précédents titres, A l’ordre de l’oubli, et Ce lointain de silence, dont on trouvera ici la critique), au contraire les déploie dans un nouvel espace. Car, si l’on y retrouve, comme dans toute œuvre élaborée, ses thèmes récurrents, l’absence, le silence, le paradoxe du langage qui dit et ne dit pas, ils se trouvent cette fois pris dans une perspective plus large qui les propulse, les enrichit, et les consacre.

Aby Warburg, Der Bilderatlas Mnemosyne (The Original), Roberto Ohrt, Axel Heil (par Jean-Paul Gavard-Perret)

Ecrit par Jean-Paul Gavard-Perret , le Lundi, 27 Avril 2020. , dans Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Langue allemande

Aby Warburg, Der Bilderatlas Mnemosyne (The Original), Roberto Ohrt, Axel Heil, éd. Hatje Cantz, Berlin, 2020, 184 pages, 200 €

 

Aby Warburg : La Science de l’image

I

Depuis Platon on affirme que l’image est mauvaise. Elle séparerait de l’être. Ne donnerait de lui qu’une apparence et non un apparaître. Or toute image est apparition. Néanmoins beaucoup d’historiens de l’art restent des platoniciens : Jacques Lanzmann en est l’exemple parfait. Il est l’envers du plus grand penseur du XXème siècle de l’image : le nietzschéen Aby Warburg.

Face aux philosophes il a posé les questions essentielles : le vrai témoin est-ce l’image ? L’image est-ce le seul témoin ? Tout le reste est spéculation. Warburg a donc introduit un speculum dans le mental des fornicateurs des icônes. Son atlas – Mnémosine – est la balustrade qui surplombe l’histoire de l’art.