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Ma vie sans moi, Nathalie Rheims

Ecrit par Stéphane Bret , le Jeudi, 14 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, La rentrée littéraire, Léo Scheer

Ma vie sans moi, roman, août 2017, 188 pages, 15,50 € . Ecrivain(s): Nathalie Rheims Edition: Léo Scheer

 

Nathalie Rheims fait partie de cette catégorie d’auteurs susceptibles de provoquer un rejet, ou un sentiment de dérision teinté d’une compassion ironique : la fille des beaux quartiers se raconte encore… Pourtant, dans les deux précédents romans, Laisser les cendres s’envoler et Place Colette, il n’y avait guère de place prépondérante pour la superficialité ou la pure frivolité. Dans le premier récit, c’était l’absence d’une mère partie du foyer très tôt, que décrivait Nathalie Rheims. Le second roman s’attachait lui à la description d’un amour juvénile, une passion initiatique à l’amour avec un homme bien plus âgé que l’héroïne.

Dans Ma vie sans moi, roman, l’auteure aborde un vieux rêve humain : recommencer sa vie, en produire une nouvelle version, en évitant autant que faire se peut les erreurs et errements de la première vie. Cette exploration d’une deuxième vie commence après que l’intéressée a été anesthésiée lors d’une opération dans un cabinet dentaire. Le chirurgien se nomme Mithridate, ce qui laisse supposer que la narratrice va s’accoutumer aux poisons qu’il instille dans son organisme… Chaque chapitre du roman est illustré en préambule par des vers du poète Armand Robin, vers tirés de Ma vie sans moi.

Comme un bal de fantômes, Éric Poindron

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mercredi, 13 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Poésie, Le Castor Astral

Comme un bal de fantômes, juin 2017, 231 pages, 17 € . Ecrivain(s): Eric Poindron Edition: Le Castor Astral

 

La matière première de la poésie d’Éric Poindron n’est pas Éric Poindron. La chose est assez rare pour servir d’introduction à ce billet. Éric Poindron s’efface dans sa poésie, se met au second plan, ou en fond d’écran, pour laisser place à l’univers, aux univers, d’Éric Poindron, à leur liberté indomptable. Et ces univers sont peuplés des poètes, des ami(e)s, des référents, des maîtres, des lieux, des curiosités qui lui sont si chères. Il est d’usage (de mauvais usage ?) de faire des rapprochements avec d’autres poètes, des maîtres souvent, quand on parle d’un poète. Bien malin celui qui pourrait avec Poindron. D’ailleurs sa poésie est-elle seulement poésie ? Plus exactement la poétique omniprésente de cet ouvrage est-elle « poésie » ? Nul métrage, nulle contrainte rythmique ou rimique, nul carcan. Ces textes sont à l’image de Poindron, libres, inattendus, issus d’un esprit vagabond et d’une culture immense.

On croise ainsi Nerval (Ô combien Nerval, plus Nerval que jamais), et Dumas et Pouchkine et Rimbaud et Apollinaire et Nabokov et … personne et rien, tout le monde et tout. L’univers d’Éric Poindron est justement ça, l’univers, avec ses toutes petites choses et ses très grandes.

La France en automobile, Edith Wharton

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Mercredi, 13 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, USA, Récits, Folio (Gallimard), Voyages

La France en automobile, préface Julian Barnes, trad. américain Jean Pavans, 224 pages, 7,20 € . Ecrivain(s): Edith Wharton Edition: Folio (Gallimard)

 

On connaissait Edith Wharton romancière, auteure des intrigues des riches New-Yorkais du tournant du XXe siècle. On connaissait moins l’Edith Wharton touriste littéraire, amoureuse de la France et sillonnant les routes des provinces françaises avec son mari Teddy, parfois accompagnée du fidèle ami et écrivain Henry James. En effet, publié aux Etats-Unis en 1908 avec succès, La France en automobile n’avait jamais été traduit en français. C’est maintenant chose faite, et l’on se régale de ce voyage en terre de France, au volant d’une Panhard et Levassor 15hp achetée d’occasion à Londres et conduite allègrement par un chauffeur.

Wharton se promène d’abord de Boulogne à Amiens, Beauvais et Rouen, de Rouen à Fontainebleau, le long de la Loire et de l’Indre, de Nohant à Clermont, en Auvergne, de Royat jusqu’à Bourges, puis dans une deuxième partie, de Paris à Poitiers, de Poitiers aux Pyrénées, des Pyrénées vers la Provence, du Rhône à la Seine et enfin, dans une troisième partie, fait une excursion dans le Nord-Est de la France. Chacun, en fonction de ses attaches régionales, y trouvera son plaisir.

Quarantaine, Jim Crace

Ecrit par Didier Smal , le Mercredi, 13 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Rivages poche

Quarantaine, mai 2016, trad. anglais Maryse Leynaud, 336 pages, 8,90 € . Ecrivain(s): Jim Crace Edition: Rivages poche

Jim Crace (1946), auteur anglais multi-primé, a publié en 1997 un curieux roman, à qui il a fallu douze ans pour trouver éditeur francophone et sept ans de plus pour aboutir dans une collection de poche ; ce curieux roman s’intitule Quarantaine et raconte ni plus ni moins qu’un épisode évangélique frappant, mentionné par Marc, Matthieu et Luc : le séjour de Jésus dans le désert et les tentations auxquelles le Diable se propose de le soumettre. Du moins Crace raconte-t-il l’histoire d’un pèlerin parmi d’autres se livrant à une retraite pénitentielle dans le désert de Judée assortie de jeûne diurne, la « quarantaine » du titre. Cinq personnages se retrouvent en même temps dans le désert, près de grottes dans lesquelles ils vont vivre et prier, trois hommes et une femme, et un cinquième, énigmatique par son silence et la distance qu’il maintient entre lui et les autres : « C’était un voyageur nommé Jésus, venu des vallées du Nord plus fraîches et cultivées, un Galiléen, peu habitué à ce genre de privations. Il avait passé la nuit dans la paille, hôte payant chez un berger, et ce matin il avait laissé sac, outre, sandales et bâton là où il avait dormi. Il accomplirait sa quarantaine sans le recours et les tentations des vêtements, de la nourriture et de l’eau. Il mettrait sa confiance en dieu, comme font les jeunes gens. Il allait rencontrer dieu ou mourir, point final. C’était pour ça qu’il était venu. Pour parler directement à son dieu. Pour laisser à son dieu le soin de lui fournir eau et nourriture. Ou laisser le démon accomplir son œuvre. Ce serait une épreuve pour tous trois »

Les buveurs de lumière, Jenni Fagan

Ecrit par Cathy Garcia , le Mardi, 12 Septembre 2017. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Iles britanniques, Roman, Métailié, La rentrée littéraire

Les buveurs de lumière, août 2017, trad. anglais (Écosse) Céline Schwaller, 304 pages, 20 € . Ecrivain(s): Jenni Fagan Edition: Métailié

 

Si le contexte des buveurs de lumière est une dystopie – nous sommes en 2020 et la planète entière bascule dans une ère glaciaire –, ce qui nous est raconté est très intimiste et contraste nettement avec le chaos dans lequel plonge le monde. Bien que la plupart des personnages soient plus ou moins des marginaux, ils en ressortent surtout splendidement ordinaires, juste humains, avec peut-être un peu plus de courage, d’amour et de douceur que la norme, ce que les difficultés de la situation ne font que mettre en lumière.

Dans la petite communauté de Clachan Fells située au nord de l’Écosse, Stella et Constance, sa mère, vivent en caravane, dans un quartier de caravanes au pied des montagnes, entre des champs, une zone industrielle, une grande décharge et la mer. Quartier qui abrite une faune hétéroclite, star du porno, couple sataniste…, chacun vivant plus ou moins dans sa bulle sans déranger les autres et se débrouillant comme il peut. L’hiver est déjà habituellement rude dans la région, mais cette fois il est plus qu’hors norme. Les températures chutent peu à peu jusqu’à atteindre -56 au mois de mars, un immense iceberg dérive vers le port et la petite vie de l’agglomération est complètement chamboulée.