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S’il fallut un jour la guerre, Anne Brousseau (par Philippe Leuckx)

Ecrit par Philippe Leuckx , le Vendredi, 18 Février 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie

S’il fallut un jour la guerre, Anne Brousseau, éd. La Tête à L’envers, décembre 2021, 58 pages, 15 €

 

Un soldat rentre des combats. Chez lui. Il y retrouve sa maison, sa femme, son jardin. Il doit s’épouiller de toute la noirceur qu’il a vécue. Il doit apprivoiser et ensuite « supprimer » l’autre de lui-même, son « soldat fou », sa facette guerrière.

Dans un aller-retour splendide de justesse entre l’intérieur de la maison (et l’intériorité du combat conscient de cet homme) et le jardin, se joue toute la littérature, la lucide compréhension d’une déchirure qui scinde cet homme fragilisé en deux, celui qui aspire à la paix et l’autre, blessé, qu’il faut enfouir.

La poète multiplie les images de douceur et les doutes (les scènes passées). L’homme veut redécouvrir son corps fait pour l’amour, son corps debout pour aimer, sa sensualité, son enfance perdue. C’est un homme en quête de soi, lucide et conscient, « il a mené une guerre comme tant d’autres », « il ne se reconnaît pas lui-même », il sait que « chaque bataille est une folie ».

Jésus kill Juliette Eloïse, Jacques Cauda (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Jeudi, 17 Février 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Poésie, Editions Douro

Jésus kill Juliette Eloïse, Editions Douro, juillet 2021, 80 pages, 15 € . Ecrivain(s): Jacques Cauda

 

Jacques Cauda est un créateur étonnant et détonnant, un poly-artiste foisonnant, intarissable, ubique et unique, écrivain, peintre, illustrateur, directeur de collection chez Douro, omniprésent sur les réseaux sociaux, jouant la provocation à tire-larigot, ce qui n’est assurément pas pour déplaire en cette époque où la bienséance et son corollaire la biendisance sont de plus en plus d’âcre rigueur avec pour conséquences immédiates les levées récurrentes d’étendards d’une morale archaïque, les accusations de blasphème et l’instauration insidieuse de l’autocensure.

Dans le présent ouvrage au titre énigmatique, le personnage narrateur raconte avec la verve truculente qui caractérise l’auteur son histoire avec Juliette, professeure d’anglais et d’autres moyens d’expression. Le prénom Juliette, rencontré récemment en relation intertextuelle explicite avec l’héroïne des Prospérités du Vice dans la recension pour La Cause Littéraire de Moby Dark, autre œuvre décalée de Cauda, semble être iconique chez notre auteur qui multiplie d’ailleurs malicieusement les références littéraires et philosophiques au Divin Marquis.

Ainsi parlait Montaigne, Dits et maximes de vie choisis et présentés par Gérard Pfister (par Marc Wetzel)

Ecrit par Marc Wetzel , le Mercredi, 16 Février 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Arfuyen

Ainsi parlait Montaigne, Dits et maximes de vie, janvier 2022, 192 pages, 14 € . Ecrivain(s): Gérard Pfister Edition: Arfuyen

 

Le titre de l’œuvre de Montaigne (Les Essais) a, on le sait, inauguré le sens du genre littéraire essai (réflexion personnelle et libre sur un ou plusieurs thèmes croisés intéressant la vie des hommes). Et ce qu’essaie Montaigne, ce n’est ni « penser pour penser », ni non plus simplement « penser pour voir » (pour un hasard fécond d’enchaînement d’idées), mais bien : penser pour voir ce que ça changerait à vivre. « Et si l’effort de juger autrement pouvait nous aider à être ? », semble-il se demander toujours, nous conviant à nous en assurer. Et le miracle a lieu : en sollicitant constamment l’expérience de la vie (de la sienne et de celles dont il fut partie prenante, témoin, ou lecteur ), l’intelligence même de la vie se fait soudain transmissible.

Mon prof de Terminale disait carrément que Montaigne avait inventé la prose, Descartes la pensée, et Pascal la langue françaises. La prose, telle qu’il la parle en en parlant, c’est sûr :

« Le parler que j’aime, c’est un parler simple et naïf, pareil sur le papier qu’à la bouche ; un parler succulent et nerveux, court et serré, non pas tant délicat et peigné que véhément et brusque » (86).

Honorer la fureur, Rodolphe Barry (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 15 Février 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, Points

Honorer la fureur, 304 pages, 7,40 € . Ecrivain(s): Rodolphe Barry Edition: Points

 

Barry bâtit un roman à partir d’une recherche biographique rigoureuse sur une partie essentielle de la vie du grand – et pourtant bien négligé – James Agee. Et c’est bien d’un roman qu’il s’agit car les jours et les heures de ces années fiévreuses d’Agee sont tissés dans une trame narrative en grande partie fictionnelle mais néanmoins fondée sur les éléments de la réalité. Agee, personnage bouillant, souvent emporté par ses élans passionnés, apparaît ici, page après page, dans ses recoins, ses complexités, ses excès, ses folies.

Agee est journaliste, grand lecteur de Thomas Wolfe et William Faulkner dont il rêve d’atteindre l’art. Il va même jusqu’à se promener dans le quartier de NYC où on lui a dit qu’habite Wolfe dans l’espoir de le croiser.

« La ville est aussi insomniaque que lui. Il cherche le visage des promeneurs, l’un d’eux pourrait être celui de Thomas Wolfe dont il a découpé le portrait dans un journal. Il a appris que l’auteur de L’Ange exilé vivait dans un modeste meublé dans le quartier assyrien du sud de Brooklyn, dont il ne sort qu’à la nuit tombée, la main gauche tachée d’encre ».

Hamnet, Maggie O’Farrell (par Marie Duclos)

, le Mardi, 15 Février 2022. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Iles britanniques, Roman, Belfond

Hamnet, Maggie O’Farrell, Ed. Belfond, avril 2021, trad. anglais (Irlande) Sarah Tardy, 368 pages, 22,50 € Edition: Belfond

 

Cette œuvre de fiction nous transporte au 16ème siècle dans la famille de Shakespeare dans la campagne anglaise.

Hamnet est le frère jumeau de Judith. C’est une deuxième naissance dans ce foyer un peu insolite mélangeant des histoires de famille complexes avec des personnalités dont la vie et les tourments sont décrits avec détails, force et délicatesse dans un langage poétique malgré la dureté du monde qui les entoure.

La poésie est aussi restituée par le tempérament et les activités d’Agnès, maman des jumeaux et d’une première fille, Susanna. Agnès est l’épouse de Shakespeare qui est plutôt évoqué comme le précepteur de latin, le fils puis le père puis l’écrivain et directeur de troupe à Londres.

Agnès a la connaissance des plantes médicinales et de la nature en général, ce qui occupe ses journées. Elle dispense des soins à ceux qui frappent à sa porte jusqu’au jour où la maladie « pestilentielle » et ses bubons rentre dans la maison et touche les deux jumeaux.