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La Une Livres

Une saison à Gaza, Katia Clarens

Ecrit par Anne Morin , le Samedi, 21 Mai 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Récits, Jean-Claude Lattès

Une saison à Gaza, voyage en territoire assiégé, avril 2011, 339 p. 19€ . Ecrivain(s): Katia Clarens Edition: Jean-Claude Lattès


J’avais oublié que le livre avait un sous-titre : voyage en territoire assiégé… En ouvrant ce livre, je pensais y trouver un témoignage, bien sûr, Katia Clarens dit ce qu’elle a vu, bien sûr la vie est difficile pour les Gazaouis, c’est une évidence, mais comme on dit il ne s’agit pas de ça, bien sûr, mais j’ai eu beaucoup de mal à me remettre de ce livre, beaucoup de mal à faire la part des choses, beaucoup de mal à me tenir quitte de cette impression de retrait, de défensive quand on présente ainsi tous les torts dans le même plateau. Il n’y a pas d’équilibre possible, et pas de possibilité d’équilibre – même et surtout dans ce divorce à l’amiable et non au mieux disant appelé par nombre d’Israéliens –, il n’y a pas de paix possible, et ce livre quoi qu’il en dise, ne porte pas de message de paix. Il statue : aux « autres » de faire le premier pas, de lâcher du lest, de relâcher la mise.
Il me semble qu’un reporter, immergé à Ashkelon ou Beersheba, zones privilégiées des tirs du Hamas depuis Gaza, aurait pu, de la même manière, rapporter ces faits.

Eros au pays de la balle jaune, Franck Evrard

Ecrit par Arnaud Genon , le Samedi, 21 Mai 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Essais, Hermann

L’érotique du tennis, préface de Denis Grozdanovitch, 2011, 22 € . Ecrivain(s): Franck Evrard Edition: Hermann

Peut-être se souvient-on de la lettre T de L’Abécédaire de Gilles Deleuze où le philosophe conceptualisait brillamment les jeux de Borg et de Mc Enroe. Le suédois, affirmait-il, était le représentant des principes populaires, incarnait le style d’un tennis de masse (lift, fond de court, balle haute) alors que l’américain, autre grand créateur du monde de la balle jaune se faisait le héraut d’une pratique aristocratique car inimitable (art de déposer la balle). Le tennis, selon Deleuze, était donc avant tout un sport dans lequel se posait le « problème du style ».

Même si cette « problématique » est évoquée par Franck Evrard, l’angle d’approche théorique du tennis se situe pour lui ailleurs : dans son érotique1. Alors que ce sport a souvent été  le véhicule de « valeurs hygiéniques et éthiques » (p.15), il choisit de l’appréhender comme « un spectacle sexué qui séduit par sa monstration de corps dénudés, accessoirisés, qui trouble par l’ambiguïté de ses danses sensuelles » (p.17). Mais son analyse ne s’arrête pas là : « Si une érotique du tennis se fonde nécessairement sur les rapprochements réels ou métaphoriques entre Eros (et ses motifs comme l’amour, le désir, le corps ou la séduction) et l’univers du tennis, elle ne peut occulter la dimension littéraire de la fiction et de la représentation » (p.20).

Les Bûcherons, Roy Jacobsen (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Dimanche, 08 Mai 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, Critiques, Pays nordiques, Roman, Gallimard

Les Bûcherons, Gallimard, 194 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): Roy Jacobsen Edition: Gallimard

Finlande, Hiver 1939. Alors que les forces soviétiques envahissent le pays, la petite ville de Suomussalmi est évacuée. Ses habitants incendient leurs maisons pour qu’elles ne tombent pas aux mains de l’Armée Rouge. Seul Timmo Vatanen, considéré comme l’idiot du village, refuse de partir. « La plupart des gens de la région ont pitié de moi, quand ils ne sont pas agacés par mon apparence ».
Rapidement, il découvre qu’il n’est pas tout seul.
« Et puis, j’ai fait deux découvertes : premièrement, tous les êtres vivants n’avaient pas déserté la ville, il restait les chats, j’en ai vu certains de mes yeux, quant aux autres, j’ai vu seulement leurs traces, il y en avait toujours plus qui zébraient la neige, telle une farine d’un blanc étincelant saupoudrée sur toute cette noirceur ».
Bientôt, les Soviétiques arrivent et bouleversent la ville. « Une foule d’hommes qui courent, marchent, en camion, à cheval, des étrangers, des silhouettes en noir et leurs machines qui ont brisé le silence et rempli la ville d’odeurs et de bruits qui n’y ont jamais existé, des milliers de silhouettes étrangères qui ont toutes quelque chose de bizarre et d’incertain, comme si elles avaient émergé du sol et ne supportaient pas la lumière du jour ».

Les Foudroyés, Paul Harding (par Yann Suty)

Ecrit par Yann Suty , le Mercredi, 04 Mai 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Recensions, USA, Roman, Le Cherche-Midi

Les Foudroyés, 186 p. 15 € . Ecrivain(s): Paul Harding Edition: Le Cherche-Midi

 

Le livre débute alors que George agonise sur son lit de mort, victime d’un cancer en phase terminale. Il est installé dans le séjour de sa maison. Séjour dans lequel sont installées de nombreuses horloges. George était en effet horloger. Les membres de sa famille, enfants, petits-enfants, viennent veiller sur lui.
Huit jours avant de mourir, George commence à avoir des hallucinations. La maison, par exemple, s’effondre tout à coup sur lui. Mais George se souvient également. Mais est-ce un vrai souvenir ? Ou est-ce une autre forme d’hallucination ?
« Allongé sur son lit de mort, George avait envie de revoir son père. Il avait envie d’imaginer son père ».
Il se souvient donc de son père, Howard. Vendeur itinérant, il sillonnait les routes du pays sur sa carriole, disparaissant parfois de la maison pendant des semaines. Son père était épileptique. S’il s’arrangeait pour cacher ses crises à ses enfants, George en fut témoin de quelques-unes qui le secouèrent, notamment, quand, au cours de l’une d’elles, son père le mordit.

Le garçon qui voulait dormir, Aharon Appelfeld (par Anne Morin)

Ecrit par Anne Morin , le Mercredi, 04 Mai 2011. , dans La Une Livres, Les Livres, Critiques, Roman, L'Olivier (Seuil), Israël, Classiques

Le garçon qui voulait dormir, traduit de l’hébreu par V. Zenatti, Paris, 2011, 297 p., 21€. . Ecrivain(s): Aharon Appelfeld Edition: L'Olivier (Seuil)

« (…) ce pays lointain – quel est son nom déjà ? – » (p. 34), et c’est toute l’histoire des « réfugiés », ceux qui reviennent des camps, c’est aussi en grande partie, celle de la vie d’Aharon Appelfeld : revenir puiser dans son passé, pour l’écrire dans une langue qu’il doit forger, celle de sa nouvelle identité, car on a changé aussi son nom au jeune garçon. Non pas « dépouiller le vieil homme », au contraire, lui rendre, au mot près, dans cette musique nouvelle, celle dont Aharon Appelfeld dira qu’elle est celle de sa « langue maternelle adoptive ».

L’image de la mère, dont il fut orphelin très jeune se confond dans la langue qui se perd. Quand le jeune homme aura imité les chapitres de la Bible, qu’il recopie, il pourra ré-endosser tous les êtres qu’il aime. En attendant, le sommeil jette un pont entre deux états, entre deux mondes. Ce livre relate, avant tout, la réappropriation de soi, la reconstruction par la langue. Il est nécessaire au garçon de se reconnaître par les mots. A chaque instant, l’ascèse pour y parvenir : on est saisi, happé avec le jeune Aharon, par l’âpreté de la bataille qui se joue, ne pas, jamais laisser cours au désespoir.