Sexe et amour de Sumer à Babylone, Véronique Grandpierre
Sexe et amour de Sumer à Babylone, mars 2012, 336 p. 8,90 €
Ecrivain(s): Véronique Grandpierre Edition: Folio (Gallimard)
La collection Histoire de Folio nous donne l’occasion de confirmer que la modernité de nos sociétés se situe bien du côté de la Mésopotamie, non seulement en raison de l’écriture cunéiforme que les sociétés qui s’y sont succédé ont adoptée, mais aussi pour l’organisation sociale qui prévalait et qui traduit le souci et la conscience aigüe qu’elles intégraient jusque dans l’intimité. Véronique Grandpierre, historienne, met à la disposition du lecteur une somme importante de données relatives à la conception qu’on avait du sexe et de l’amour il y a déjà 5000 ans dans cette Mésopotamie qui fut le lieu de tant de novations. C’est entre le Tigre et l’Euphrate que les dieux orientaient les comportements en la matière, faisant de la relation sexuelle un moment de plaisir dont naissent les hommes mais d’abord la végétation, les saisons…
« Et An (le Ciel), ce dieu sublime, enfonça son pénis en Ki (le Ciel) spacieuse
Il lui déversa du même coup au vagin la semence des vaillants Arbre et Roseau »,
Mais les dieux eux-mêmes ont des limites aux ardeurs qui les traversent comme Enlil, roi des dieux, qui cherche une compagne.
« Je veux te pénétrer ! » lui disait le seigneur, mais elle refusait.
« Je veux te baiser ! » lui déclarait Enlil, mais elle refusait.
« Mon vagin (disait-elle) est encore trop étroit : je ne puis l’élargir »…
Elle c’est Ninlil, une jeune fille bien élevée qui se refuse aux avances empressées du roi des dieux. Tout ne peut donc se faire au seul motif des pulsions, et qu’on soit le roi des dieux ne change rien à l’affaire.
Si les rois ont plusieurs épouses (deux principales) et d’autres secondaires et parfois des concubines, la population est monogame. Et cette monogamie s’instaure comme le moyen le plus efficace d’une transmission des biens. Le mariage doit être fécond dans le même but : assurer une descendance. Ainsi la famille est-elle louée, ce qui n’exclut pas qu’un mariage puisse être dissous. Plusieurs motifs peuvent conduire l’un ou l’autre des époux à vouloir le divorce, le plus important étant la stérilité de l’épouse. Dans ce cas, la femme retourne chez son père, avec la dot qu’elle avait apportée.
Il est un autre cas, dont la conséquence est troublante, qui fait de la femme un être banni, c’est l’adultère. La femme qui le commet ne peut être que punie, alors que l’homme qui « trompe sa femme avec une célibataire ne craint rien. Le délit d’adultère ne peut être que féminin » écrit l’auteur, et la punition est le fait de raser poils pubiens et éventuellement chevelure, punition liée à la destitution… Vieille pratique qui a malheureusement perduré…
Au-delà des contraintes que la société impose aux époux, c’est l’intimité du couple que décrit Véronique Grandpierre. Les lieux ont leur importance, et le jardin, dans sa profusion, est un lieu de vie propice aux ébats amoureux, c’est donc « l’endroit imaginé comme idéal pour atteindre l’orgasme ». Mais ces lieux fantasmés pour l’amour ne sont pas les seuls ; la chambre est tout naturellement l’espace privilégié de l’intimité pour le couple.
Reste que sexe et boisson sont également liés dans la vie des Sumériens. On boit (déjà) de la bière dans les tavernes et simultanément on a une relation sexuelle avec une partenaire qui lui tourne le dos. Des plaques d’argiles en témoignent.
Toutes ces pratiques, dont l’homosexualité qui n’est pas réprouvée, sauf dans certains cas, ont pour objectif essentiel le plaisir qui demeure aux yeux des Sumériens indispensable pour une possible procréation. Et l’auteur d’en conclure que plus le plaisir de la femme est intense, plus la possibilité de tomber enceinte est importante.
Mais qu’on ne se méprenne pas, les sociétés d’alors n’envisageaient pas une femme libre comme on l’entend aujourd’hui, et les mariages étaient le plus souvent « arrangés ».
Guy Donikian
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