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Joelle Losfeld

Le Cherokee, Richard Morgiève (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 29 Janvier 2019. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, Polars, La Une Livres, Roman

Le Cherokee, janvier 2019, 480 pages, 24 € . Ecrivain(s): Richard Morgiève Edition: Joelle Losfeld

 

Le Cherokee de Richard Morgiève porte superbement son titre, celui d’un des classiques de Jazz les plus célèbres, joués par Charlie Parker, Count Basie, Lee Konitz ou Wynton Marsalis. Un rythme staccato, très élevé, mais une sonorité retenue. Morgiève écrit sur ce tempo, sur ce son. Obsédant et possédé, comme l’est le Shérif Nick Corey, assailli par ses fantômes et ses blessures incurables. Car c’est bien le personnage qui occupe la place centrale du roman, détrônant la sacro-sainte enquête traditionnelle du roman noir. Morgiève se moque des codes du genre, une abracadabrante histoire d’avion sans pilote et d’invasion de Martiens vient pasticher avec ferveur les storytellers purs et durs. On peut en dire autant de l’éternel Serial Killer, le Dindon, dont on peut se demander s’il n’est pas celui de la farce.

Non, ce roman est une expédition spéléologique dans les profondeurs d’un homme, Nick Corey, dont les recoins de l’âme sont un paysage halluciné, peuplé de fantômes – ceux de son père et sa mère adoptifs adorés et sauvagement assassinés quand il était encore enfant – d’horreurs sanglantes, d’échecs amoureux, de pertes inlassables. L’âme d’un homme jeté dans la solitude et le désespoir d’une humanité haineuse et violente. Désespoir des humains, désespoir de soi, Corey ne se supporte pas lui-même, ne s’épargne pas la responsabilité de la déchéance du monde.

Des jours sans fin, Sebastian Barry

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 16 Novembre 2018. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman, La rentrée littéraire, Verdier

Des jours sans fin, janvier 2018, 259 pages, 22 € . Ecrivain(s): Sebastian Barry Edition: Joelle Losfeld

Honneur 2018 de la Cause Littéraire

Sebastian Barry est irlandais et, comme ses ancêtres irlandais, il va et nous emmène en Amérique. Pour y retrouver des Irlandais bien sûr, à commencer par les deux héros de ce roman, Thomas McNulty et John Cole, deux jeunes garçons, amoureux l’un de l’autre, qui cherchent ensemble un destin.

Si Thomas McNulty, le narrateur de ce roman, vous le résumait, il dirait sûrement qu’entre deux massacres d’Indiens et un carnage entre eux, les Blancs découvrent aussi que l’on peut aimer et être heureux. Sebastian Barry nous offre un livre d’amour au milieu des flots de sang du XIXème siècle américain, dans un page-turner passionnant. Par le contraste saisissant entre l’horreur et la possibilité du bonheur, il construit un roman superbe sur l’absurdité des hommes, leur aptitude à entreprendre les cauchemars et à être les premiers à en souffrir.

Le couple Thomas-John est en soi une métaphore de l’Amérique. Entre amour, tendresse, générosité et Guerres, violence, fureur. Pour tout vous dire, ils sont danseurs travestis en femmes dans les périodes où ils sont civils et soldats dans l’armée yankee le reste du temps ! Ce n’est pas commun.

Smile, Roddy Doyle

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Vendredi, 31 Août 2018. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Iles britanniques, Roman, La rentrée littéraire

Smile, août 2018, trad. anglais (Irlande) Christophe Mercier, 256 pages, 19,50 € . Ecrivain(s): Roddy Doyle Edition: Joelle Losfeld

 

Ce roman venu d’Irlande va vous offrir quelques heures de délicieuse addiction. Le narrateur, Victor, jeune homme qui vient de vivre une séparation douloureuse avec sa compagne – la très belle et brillante Rachel – fait son nouveau foyer dans un troquet médiocre où il rencontre des gens qu’il ne connaît pas. A l’exception de cet étrange Fitzpatrick, qui se présente comme un ancien camarade de classe, mais dont Victor n’a gardé aucun souvenir. Ou presque.

Et Victor va dérouler – au compte-gouttes – ses souvenirs intimes. Ceux de son enfance auprès de ses parents, au collège, sa vie avec Rachel.

Dans un style frôlant l’épure tant le parti pris de sobriété est flagrant, Roddy Doyle nous emmène sur les pas de Victor qui s’installe dans son petit (et laid) appartement de célibataire désormais. Le contact avec la vie d’homme seul est douloureux, un peu halluciné, comme si Victor se regardait vivre dans un film noir.

Roman noir, Agnès Michaux

Ecrit par Sylvie Ferrando , le Vendredi, 04 Mai 2018. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Roman

Roman noir, avril 2018, 236 pages, 18,50 € . Ecrivain(s): Agnès Michaux Edition: Joelle Losfeld

 

Le roman d’Agnès Michaux est à la fois un roman du voyage, du dépaysement, de l’ailleurs, et un roman sur l’identité, son usurpation et les mensonges et faux-semblants que cela provoque. Que faire quand on se fait prendre à son propre piège d’avoir usurpé l’identité d’une célèbre romancière, alors qu’on n’en est qu’à l’écriture de son deuxième roman ? Qui est cette Célia Black, romancière à succès habitant l’île de Pondara, où se rend Alice Weiss pour un séjour qu’elle espère inspirant pour la rédaction de son nouveau manuscrit ? Un peu par jeu au début, et pour échapper aux marques d’intérêt insistantes d’un passager du même avion, la Blanche Alice prendra peu à peu la place de la Noire Célia, les yeux cachés derrière des lunettes de soleil aux verres noirs ou rouges parce qu’elle souffre d’achromatopsie. Avec tous les dangers que cela comporte.

Drôle d’univers que celui de la villa L’Acheloos tenue par Baby et Erythie, qui accueille Alice, et du Grand Hôtel des Cinq-Mondes, où Amour et Princess logent. Une typologie de l’espace divise l’île en Terramar, la zone de transit populaire, et Pondara, la zone touristique de luxe. Agnès Michaux aime les mots des descriptions imagées :

Il y avait des rivières infranchissables, Marc Villemain (2ème critique)

Ecrit par Marie du Crest , le Lundi, 06 Novembre 2017. , dans Joelle Losfeld, Les Livres, Critiques, La Une Livres, Nouvelles

Il y avait des rivières infranchissables, Marc Villemain, Joëlle Losfeld, octobre 2017, 145 pages, 14,50 € . Ecrivain(s): Marc Villemain Edition: Joelle Losfeld

J’emprunte le titre de ma chronique à Marc Villemain lui-même, ou plutôt au narrateur de la dernière nouvelle de son nouveau recueil, Il y avait des rivières infranchissables. Je devrais dire à la rumeur qui entoure son dernier personnage masculin : un auteur de romans et de nouvelles, installé à Venise avec sa compagne. La Nostalgie, c’est toujours un retour, un nostos. Les treize premières nouvelles du livre sont marquées du sceau du retour à l’enfance, à l’adolescence ; du retour au pays océanique ; du retour au temps des chocolatines, des magasins Carrefour, des boums, des mobs ; à la musque écoutée sur une cassette audio. Retour enfin « aux premières fois », aux premières histoires d’amour souvent sans lendemain. Titre au passé.

Les personnages des nouvelles (filles et garçons) sont sans prénom ou nom, juste des « ils » ou des « elles » comme s’ils vivaient à travers chaque texte une expérience, presque une expérimentation du désir, des sentiments. Ils pourraient être aussi le même (c’est essentiellement le regard du garçon, son point de vue qui importe ici) à qui il arrive ces diverses aventures. Ils n’ont pas besoin d’être rattachés à une identité définie puisque l’important se situe dans ce présent (verbal) de l’adolescence et parfois de l’enfance.