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Folio (Gallimard)

Collection de poche des éditions Gallimard

 


La vie devant soi, Romain Gary, Folio (par Anaé Balista)

, le Lundi, 06 Décembre 2021. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Recensions, La Une Livres, Roman

La vie devant soi, mars 1982, 288 pages, 8,10 € . Ecrivain(s): Romain Gary


C’est entre les dernières pages du livre, cachés au numéro 268, que se dessinent les mots suivants : « Je voyais bien qu’elle ne respirait plus mais ça m’était égal, je l’aimais même sans respirer ».


Avec une remarquable simplicité, Gary rappelle ici que rien ne dépasse l’amour porté par un enfant. Ce dévouement intérieur ne se cultive pas tout au long d’une vie mais prend véritablement sens une fois la mort venue. Et c’est par l’intermédiaire d’un jeune garçon que l’auteur nous fait part de cet enseignement.

En effet, cet amour indéfectible même au-delà de la tombe est au cœur de la relation des deux protagonistes. On retrouve d’un côté le jeune Momo, fils de prostituée, délaissé, et de l’autre madame Rosa, vieille femme juive que le temps a fini par abîmer. Une relation unique va alors se nouer entre eux, pas plus amicale que parentale mais plutôt une attache mutuelle entre deux exclus de la société.

L’histoire de l’amour, Nicole Krauss (par Léon-Marc Levy)

Ecrit par Léon-Marc Levy , le Mardi, 09 Novembre 2021. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, USA, Roman, En Vitrine

L’histoire de l’amour (The History of Love, 2006), trad. américain, Bernard Hœpffner, 459 pages, 9,20 € . Ecrivain(s): Nicole Krauss Edition: Folio (Gallimard)

Dès les premières pages, le phrasé du narrateur nous emmène dans les rues du shtetl, loin, aux frontières de la Pologne et de la Russie, dans un pays qui n’existe plus : le village des Juifs miséreux que les pogroms puis les nazis ont exterminés ou fait fuir là où ils pouvaient vivre – ou survivre – encore. Le phrasé du conteur avec son humour désabusé, son souci du détail, sa langue visuelle, cette langue prodigue qui colorait un peu la grisaille et la misère des jours et des nuits d’angoisse, de pauvreté et de désespoir, reproduisent comme un conte du Shtetl ou une narration d’un personnage de Bernard Malamud.

Quand je suis arrivé en Amérique, je ne connaissais presque personne, si ce n’est un cousin éloigné qui était serrurier, et j’ai donc travaillé pour lui. S’il avait été cordonnier, je serais devenu cordonnier ; s’il avait pelleté de la merde, moi aussi j’aurais pelleté. Mais. Il était serrurier. Il m’a appris le métier, et c’est ce que je suis devenu. Nous avions une petite affaire, tous les deux, et puis une année, il a attrapé la tuberculose, on a dû lui enlever le foie, sa température est montée jusqu’à 41 et il est mort, alors j’ai repris l’affaire. J’envoyais à sa femme la moitié des bénéfices, même après son mariage avec un médecin et son déménagement à Bay Side. J’ai fait ce métier pendant plus de cinquante ans. Ce n’était pas ce que je m’étais imaginé faire. Et pourtant. En vérité j’ai fini par l’aimer, ce métier. J’aidais à entrer ceux qui étaient enfermés dehors, j’aidais d’autres à laisser dehors ceux qui ne devaient pas entrer, pour qu’ils puissent dormir tranquilles.

La proie, Deon Meyer (par Jean-Jacques Bretou)

Ecrit par Jean-Jacques Bretou , le Lundi, 08 Novembre 2021. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Recensions, Polars, La Une Livres, Afrique

La proie, août 2021, trad. afrikaans, Georges Lory, 576 pages, 9,20 € . Ecrivain(s): Deon Meyer Edition: Folio (Gallimard)

 

À Bordeaux, Place Camille-Pelletan, Daniel Darret, un Zoulou, ancien combattant de la branche militaire de l’ANC, s’est retiré après la victoire de Mandela. Il mène une vie simple auprès d’Henry Lefèvre, ébéniste, atteint du syndrome d’Asperger, et de son épouse Sandrine. Son grand plaisir est de caresser le bois, d’en sentir l’âme. Il aime aussi parler à Wackett, le chat, ou discuter autour d’un verre de rouge avec Ali du Mali, ou bien encore faire un tour le dimanche dans les environs sur sa BMW. Tout va bien même s’il est hanté parfois par son passé, jusqu’au jour où il est contacté par Lonnie May, un ancien avocat blanc qui a lutté à ses côtés dans le clan anti-apartheid. Daniel doit reprendre du service, on a besoin d’un tireur d’élite exceptionnel pour commettre un attentat sur la personne du président en place. Lonnie lui parle de l’Afrique du Sud telle qu’elle est devenue après Mandela et la prise du pouvoir par Jacob Zuma (qui n’est pas cité mais facilement reconnaissable dans les descriptions de Meyer). Il lui conte les méfaits de la corruption, de la « kleptocratie », dans un pays rongé par la pauvreté, la volonté de la Russie de Poutine de mettre un pied en territoire africain en voulant y construire une centrale nucléaire.

Confrontations avec l’histoire, François Hartog (par Didier Smal)

Ecrit par Didier Smal , le Mardi, 05 Octobre 2021. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, Essais, La Une Livres, Histoire

Confrontations avec l’histoire, François Hartog, mai 2021, 368 pages, 9,70 € Edition: Folio (Gallimard)

 

Dans le numéro 566 du trimestriel La Recherche, dont le thème est « Le Temps et l’Espace », l’historien François Hartog (1946) répond aux questions de Philippe Pajot – un historien dans « Le magazine de référence scientifique » ? Oui, tout à fait à sa place, en accord total avec le thème développé : le temps. En effet, celui-ci semble avoir définitivement cessé de couler depuis le début de la pandémie en cours, en particulier durant les différents confinements, incitant à un présentisme absolu – lié aussi à l’incapacité que semble avoir l’Homme de se projeter dans l’avenir de façon positive depuis quelques décennies. Pour faire bref, entre des machines qui ont accéléré tant les rapports économiques que les rapports humains, les seconds s’inféodant aux premiers, tous réduits à l’instantanéité (d’ailleurs, il est remarquable qu’un réseau social populaire porte un nom proclamant l’instantanéité comme valeur, Instagram), et l’effondrement de plus en plus envisageable d’un certain modèle civilisationnel, l’Homme s’est réfugié dans le présent, devenu le seul moment à discuter, à prendre en considération – et au passage l’histoire a cédé le pas à la mémoire, la tentative de compréhension du passé a cédé le pas à la commémoration, et l’inscription au Patrimoine Mondial de l’Humanité tel que décrété par l’Unesco est devenue la garante de l’existence.

La huitième vie (pour Brilka), Nino Haratischwili (par Patryck Froissart)

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 01 Octobre 2021. , dans Folio (Gallimard), Les Livres, Critiques, La Une Livres, Langue allemande, Roman

La huitième vie (pour Brilka), Nino Haratischwili, août 2021, trad. allemand, Barbara Fontaine, Monique Rival, 1200 pages, 12,90 € Edition: Folio (Gallimard)

La huitième vie est une saga familiale d’une rare intensité dramatique qui couvre mille-deux-cents pages et qui court de 1917 à 2007.

L’histoire, dont la destinataire annoncée par la narratrice est la jeune Brilka, le plus récent rejeton du clan, commence avec la vie de l’ancêtre Ketevan, le patriarche, pâtissier chocolatier dans une petite ville de Géorgie, pays où se situe, tout au cours du récit, le centre de rayonnement narratif qui exerce sur la totalité des personnages une indestructible attraction centripète, même si certains d’entre eux, à un moment donné de leur existence, se sentent passagèrement animés par des forces centrifuges.

Ketevan a inventé une recette de chocolat qui fait tourner les têtes, remue les estomacs et ravit tous les sens mais dont la confection et la consommation, qui doivent rester exceptionnelles, sont potentiellement annonciatrices de grands malheurs. Il en garde précieusement le secret, ne la transmettant, sur serment de ne jamais en dévoiler les ingrédients, qu’à l’aînée de ses filles, Stasia.