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Critiques

L’Écriture de l’innommable, Yves-Michel Ergal

Ecrit par Matthieu Gosztola , le Samedi, 10 Janvier 2015. , dans Critiques, Les Livres, Essais, La Une Livres, Editions Honoré Champion

L’Écriture de l’innommable, mai 2014, 208 pages, 40 € . Ecrivain(s): Yves-Michel Ergal Edition: Editions Honoré Champion

 

Michael Bishop proposait récemment dans Poezibao cette très belle définition de l’écriture : « Ecrire, c’est aller vers l’autre, creuser profond dans les ressources du moi pour, au cœur d’un effacement, réaliser un accès moins illusoire que symbolique, virtuellement vivable, à la face secrète de ce que l’on est, et, ainsi, la restitution précaire mais sentie d’une plénitude purement psychique, d’une beauté spirituelle que parviennent à filtrer quelques mots sur une page autrement blanche et vide ».

Seulement, écrire, ce n’est pas toujours ça. Loin s’en faut. Il y a « l’écriture de la modernité », telle que la théorise Yves-Michel Ergal. Quels sont les représentants les plus emblématiques de cette forme d’écriture ? Dickens, Balzac, Melville, Dostoïevski, ou encore Conrad, Proust, Joyce, Kafka, Beckett. Et ceci parce que ces auteurs parviennent à puiser « leur force de création dans les régions obscures de l’innommable, mettant en place une poétique de l’interdit liée à la violence, à la sexualité, à la folie, à la haine, au crime et au châtiment ».

La rage est mon énergie, John Lydon alias Johnny Rotten, Andrew Perry

Ecrit par Guy Donikian , le Samedi, 10 Janvier 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Biographie, Seuil

La rage est mon énergie, John Lydon alias Johnny Rotten, octobre 2014, traduit de l’anglais Marie-Mathilde Burdeau et Marc Saint-Upéry, 711 pages, 25 € . Ecrivain(s): Andrew Perry Edition: Seuil

 

Voila encore quelqu’un qui aura fait noircir des pages et des pages (ici plus de 700) à des fins pécuniaires ou pour affirmer de façon livresque une notoriété qui serait plutôt mal en point, diront certains. N’en déplaise aux grincheux, cet homme-là, malgré quelques carences qui lui font admirer le foot comme un supporter inconditionnel, a de quoi surprendre quand on le découvre aux antipodes de ce qu’une certaine presse laissait bêtement supposer : qu’on se le dise, le chanteur des Sex Pistols, groupe punk des années 70, ne fut pas cette bête hurlante, ornée d’épingles à nourrice comme seuls attributs distinctifs, outre les fameux tee-shirts à l’effigie de la reine quelque peu « chopperisée ».

Qu’on se souvienne, donc. Musicalement, le rock et la pop s’enlisent, à la fin des seventies, dans des discours qui traînent en longueur, donnant des plages interminables à l’instar de groupes comme Yes, qui ont cependant commis quelques titres emblématiques. Mais la tendance du moment favorisait les démonstrations techniques au détriment d’une efficacité dont se réclamaient les groupes-phare de l’époque.

Le clan du sorgho rouge, Mo Yan

Ecrit par Patryck Froissart , le Vendredi, 09 Janvier 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Asie, Roman, Seuil

Le clan du sorgho rouge, septembre 2014, traduit du chinois par Sylvie Gentil, 444 pages, 23,50 € . Ecrivain(s): Mo Yan Edition: Seuil

 

Phénoménal roman de bruit et de fureur, Le clan du sorgho rouge entraîne le lecteur dans la Chine profonde, rurale, aux traditions ancestrales, du milieu du XXe siècle, à partir de l’occupation de la Chine par les armées japonaises, et le plonge dans une série d’événements chaotiques faits de guérilla contre l’envahisseur, de brigandage de grand chemin, et de guerre civile permanente entre de puissantes bandes de fripouilles, des partisans du Kuomintang, des clans villageois et des maquisards du Parti Communiste Chinois.

En toile de fond permanente, les champs de sorgho rouge.

Entre ces multiples bandes armées se font et se défont alliances et contre-alliances, défections et trahisons, au milieu de ces champs de sorgho qui constituent un élément fort, en quelque sorte un personnage immanquablement présent, doué de sentiment, dont la vie et les humeurs saisonnières accompagnent les épisodes guerriers et les entractes romantiques, ceux-ci étant d’ailleurs souvent aussi empreints de violence que ceux-là.

Amour de pierre, Grażyna Jagieska

Ecrit par Frédéric Aribit , le Vendredi, 09 Janvier 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Récits

Amour de pierre, Éd. des Équateurs, août 2014, traduit du polonais par Anna Smolar, 234 pages, 20 € . Ecrivain(s): Grażyna Jagieska

 

« Certains n’arrivent pas à vivre avec ce qu’ils ont fait, d’autres avec ce qu’ils n’ont pas fait ». Eux, la guerre, ils ne l’ont pas faite. Ou pas exactement. Wojtek est grand reporter. Tchétchénie, Afghanistan, Inde, il sillonne le globe pour raconter les guerres des autres. Il ne la fait pas, la guerre, Wojtek. C’est la guerre qui le fait, lui. Et le défait tout à la fois, lorsqu’il faut se contenter, au milieu des gens qui meurent, des femmes qu’on viole, des enfants qu’on égorge, de raconter au monde entier pour témoigner des mille visages de l’horreur, et puis reprendre l’avion, rentrer chez soi, retrouver femme et enfants.

Il y a quelques mois, Sorj Chalandon racontait dans le très beau Quatrième mur l’histoire de celui qui part à Beyrouth, vers les combats. Mais il y a ceux qui restent aussi et que l’absence ronge, dévorés par l’angoisse, empêtrés dans un quotidien dérisoire auxquels ils ne parviennent plus à faire face. C’est ce que vit Grażyna à chaque fois que son Wojtek de mari refait sa valise et qu’elle reste là, seule, s’enfonçant inexorablement dans une profonde dépression post-traumatique, à l’instar des soldats qui reviennent du front. Car comment ne pas voir que c’est sa vie entière qui fiche le camp quand il monte dans l’avion sans qu’elle sache s’il en reviendra ?

Évariste, François-Henri Désérable

Ecrit par Philippe Chauché , le Mercredi, 07 Janvier 2015. , dans Critiques, Les Livres, La Une Livres, Roman, Gallimard

Évariste, janvier 2015, 176 pages, 16,90 € . Ecrivain(s): François-Henri Désérable Edition: Gallimard

 

« On a dit à tort qu’il fut victime d’un complot ; à raison qu’il fut aux mathématiques ce qu’à la poésie fut Arthur Rimbaud : (…) un Rimbaud qui n’aurait connu ni Harar ni Aden ni les dents d’éléphant ni la scie sur la jambe à Marseille : parce qu’en vérité c’est la fin du dormeur que ce Rimbaud a connue… »

Et si les romanciers étaient aussi de grands historiens ? Et si l’Histoire de France se mettait à résonner autrement, à vibrer d’une autre et belle manière lorsqu’un romancier s’en saisit ? François-Henri Désérable a pour lui la légèreté, la vitesse, la souplesse, l’agilité et la grâce d’un écrivain qui écrit comme l’on patine. Il s’élance sur la glace de l’Histoire de la Révolution – Tu monteras ma tête au peuple – et de la vie bouillonnante d’Évariste Galois Évariste – avec la même facilité, la même allégresse, face à l’échafaud de la Terreur, ou au cœur du volcan des années d’apprentissage de l’artiste des Nombres.

Évariste prolonge le rêve Girondin de Tu montreras ma tête au peuple, et François-Henri Désérable y met tout autant de désir et de plaisir que dans son premier « roman ». L’Histoire est toujours une affaire de style, et il en faut tout autant pour s’en saisir et la faire sienne.